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Le Mal a bien des visages

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Le Mal a bien des visages Empty Le Mal a bien des visages

Message par Lionel Mer 16 Sep - 21:51

Lorsque le Grand Cercle fut victime d'un gigantesque coup de filet, la Fouine parvint à apitoyer les gardes, puis à leur échapper dans le dédale des rues de la capitale impériale. Peu à peu, les membres du gang furent relâchés, et se retrouvèrent à leur repère. Tandis que le Sage, l'Étranger, Madame et tous les autres continuaient leur carrière, la Fouine disparut des mois durant. Que lui arriva-t-il durant tout ce temps ?


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Lionel
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Message par Lionel Mer 16 Sep - 21:53

Le Mal a bien des visages. Cette pensée me traversa l’esprit en retirant mon épée du torse du gamin, le chef d’un gang qui rackettait et terrorisait le quartier du Hollenstrasse. 16 ans à peine, et le plus âgé de ses sbires devait en avoir 19, tout au plus.  Certaines missions sont plus déprimantes que d’autres… Une rapide fouille du repaire me permit de mettre la main sur le butin du gang. Assez minable d’ailleurs, même pas deux centaines de pistoles d’argent ! Les habitants du quartier m’en avaient promis 50, alors autant m’en emparer directement. Pour le reste, je ferais un petit détour par le temple de Shallya sur la route.
À la sortie du repaire, le petit guetteur avait cessé de pleurer. Pour l’empêcher de courir et de donner l’alerte, j’avais été contraint de lui briser le genou d’un tir de fronde bien placé… Je m’agenouillai et lui posai la main sur l’épaule.

« Petit, tout le gang est mort. Si tu persévères dans cette voie, c’est ce qui t’attendra, tôt ou tard. Tu as encore une chance d’y échapper. Je vais t’amener au temple de Shallya, ils te soigneront. Ils sont perpétuellement à la recherche de novices. Tu pourras rester là-bas et servir le temple une fois rétabli, si tu le souhaites. Réfléchis. Bon, je vais devoir te porter. Serre les dents, ça va faire mal. »
Le gamin eut les larmes aux yeux tandis que je le soulevais. Mais par fierté, il retint ses cris. Le temple de Shallya était à 20 bonnes minutes de marche, mais heureusement il ne pesait pas bien lourd. Je lui donnais environ 10 ans. Les prêtresses le prirent en charge et se confondirent en remerciements quand je leur tendis la bourse bien garnie prise au gang.

Mon commanditaire m’attendait. Un portefaix, qui travaillait au port. L’après-midi était bien entamée, mais en me dépêchant il y serait encore. Il me vit arriver, et me reconnaissant, il posa la caisse qu’il transportait et se dirigea vers moi. Pas rapide, air trapu. Musclé, puissant, mais lent. Le genre d’adversaire redoutable s’il vous attrape, mais facile à esquiver. Heureusement pour lui, je n’étais pas là pour me battre et lui non plus.

« Messire, les nouvelles vont vite. J’ai entendu dire qu’vous aviez accompli vot’mission. Merci beaucoup, qu’Manaan vous bénisse. ‘vec les voisins, on s’est cotisés. Voici vot’ argent.
- Je me suis payé sur la bête. Vous pouvez rendre l’argent à vos voisins. »
Son visage s’éclaira « Merci Messire ! Les dieux vous le rendront ».
Un seul regard me suffit pour comprendre que ses voisins ne reverraient jamais leur monnaie. Le Mal a bien des visages !
« Ce n’est rien. Je passerai régulièrement dans votre quartier, afin de voir comment vos voisins dépensent l’argent qu’ils auront récupéré. »

L’homme pâlit, serra les poings. Puis baissa les yeux, vaincu. Je pouvais enfin rentrer chez moi.


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 21:55

Soigneusement cachée dans une impasse, la gamine vit la femme quitter la maison et verrouiller soigneusement la porte, son panier vide à la main. Elle allait maintenant retourner chez elle. La fillette avait soigneusement observé la routine de la femme et savait que ses marmots braillards l’attendaient parce que son imbécile de mari était incapable de s’occuper d’eux. Depuis le temps qu’elle observait la maison, elle avait noté tout ce qui s’y passait. Chaque soir, le vieillard qui y vivait seul éteignait toute lumière environ une demi-heure après le coucher du soleil. Avec l’automne qui s’avançait, cela se produisait de plus en plus tôt. Une fois par semaine, sa fille venait le voir et lui apportait un panier de vivres, restait une heure avec lui, puis partait avant le coucher du soleil. Mieux valait ne pas traîner dans le quartier à la nuit tombée…

La gamine était parfaitement dissimulée et les gens qui marchaient d’un pas précipité ne la remarquaient pas. Le soleil se coucha enfin. Une faible lueur émanait de la fenêtre de la chambre, puis s’éteignit. À l’affut, elle attendit encore. Une à une, toutes les lumières de la rue disparurent. Il était temps.

Tous ses sens en alerte, elle sortit de sa cachette, puis se dirigea vers la misérable masure. Il y avait deux pièces, dont les fenêtres étroites étaient fermées par des volets. Elle glissa sa dague au niveau du volet de la pièce à vivre. En quelques secondes, elle avait fait jouer le crochet. Avec délicatesse, elle commença à forcer le cadre en faisant levier avec sa dague. Le bois craqua enfin. Elle s’arrêta, tendit l’oreille : elle n’entendait que les ronflements du vieillard. Elle continua son œuvre jusqu’à desceller le cadre, l’ôta en silence puis se faufila souplement dans la pièce. La nuit était claire, la lune et les étoiles étaient suffisantes pour y voir. Elle repéra immédiatement les victuailles, sortit un sac en jute de sous sa robe, et y entassa le jambon, le fromage, et le pain. Quelques carottes et poireaux également. Cela devait nourrir le vieux une semaine, elle pourrait le faire durer une bonne quinzaine de jours, voire plus. Plus elle maigrissait, moins elle avait faim. Pratique. Elle devait juste veiller à manger suffisamment pour ne pas être affaiblie physiquement, et surtout ne pas être déconcentrée. Le sac était plein, et elle le ferma avec une ficelle. Elle pouvait partir, et son cambriolage serait une réussite totale. Mais…

Mais elle entendait le souffle régulier du vieillard. Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Malgré le ronflement qui marquait chaque inspiration, c’était le souffle d’un homme en bonne santé. Le souffle de la vie. Insupportable.

Elle retira la ficelle qui fermait le sac, puis se rendit dans la chambre. Lentement, tout en douceur, elle se plaça à côté de la paillasse et le regarda dormir. Dans la pénombre de la chambre, elle distinguait ses modestes biens. Une paire de chaussures usées. Des vêtements élimés. À côté du lit, une statuette de Sigmar. Elle passa à l’action. En un éclair, elle se plaça à califourchon au-dessus du vieillard et enroula la ficelle autour de son cou. Il commença aussitôt à suffoquer, s’éveilla. Elle plongea son regard dans les yeux effarés de sa victime. Elle y lisait la terreur et l’incompréhension. C’était une sensation délicieuse. L’homme essaya d’arracher la ficelle, mais il était trop faible. Il essaya de s’agripper à elle, de la repousser, de la frapper : il ne parvint qu’à la griffer superficiellement. Peu à peu, le vieux faiblissait. Elle resserra encore son étreinte, savourant le dernier souffle de vie de sa victime. Elle savait que la dernière image imprégnée à jamais dans sa rétine serait la sienne. Sous une tignasse blonde, des yeux sombres en amande au milieu d’un visage d’ange. Elle était l’ange de la mort et elle adorait ça.

Il lui fallait encore couvrir ses traces. Comme à son habitude, le vieux avait laissé mourir le feu avant de s’endormir, mais quelques braises rougeoyaient encore. Elle prit l’une des couvertures, la fourra dans son sac, puis le referma avec la ficelle. Elle retourna dans la chambre. Une petite pelle à cendres gisait à côté du foyer. Elle l’attrapa, puis la remplit de braises brulantes. Elle alla les déverser sur la paillasse. Tandis que les couvertures restantes commençaient à rougeoyer, elle ajouta quelques fagots de bois sec. Enfin, elle attrapa la statuette de Sigmar et la plaça au cœur du feu naissant. Puis elle retourna dans l’autre pièce, sortit le sac par la fenêtre, se faufila à l’extérieur, et s’éloigna rapidement. Elle était en sécurité avant que l’incendie ne soit perceptible depuis la rue. Le temps que l’alerte soit donnée, elle serait loin. Et en découvrant le corps brûlé le lendemain, personne ne douterait que ce soit un regrettable accident. Alors, un grand sourire aux lèvres, la Fouine regagna sa tanière.


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 21:57

Les affaires ne marchaient pas très bien. Depuis le gang de gamins du Hollenstrasse, aucun client ne s’était présenté, et la monnaie commençait à manquer. Pourvu qu’une autre affaire se présente rapidement… Il serait toujours possible de louer mon épée comme mercenaire ou garde du corps, mais il n’était jamais facile de trouver des maîtres moralement irréprochables. Voilà plusieurs mois que j’avais quitté le guet d’Altdorf, vénal et corrompu. Ce n’était pas pour travailler pour de nouvelles crapules !
Pourtant, les rues de la capitale étaient tout sauf calmes en ce moment. La faute au Grand Cercle. Cette bande de raclures avait tenu la ville dans son poing pendant des années, jusqu‘à ce coup de filet qui aurait dû le démanteler. Mais alors que la plupart de ses membres étaient sous les verrous, des sacs d’or changèrent de main, des promesses furent faites… Personne ne savait exactement ce qui s’était passé, mais je pouvais le deviner. Et si quelques criminels furent pendus pour faire bonne mesure, la plupart furent relâchés. Depuis, le Grand Cercle se battait pour reconquérir son pouvoir et les autres gangs essayaient de s’approprier ses territoires. Et bien sûr, les habitants des quartiers pauvres payaient les pots cassés. Voir le guet ne rien faire pour tenir les rues était insupportable pour moi, c’est pourquoi j’avais pris la décision de démissionner et de me mettre à mon compte. Plutôt vivre pauvre mais avec ma conscience que de me taire et d’obéir à des officiers corrompus !

On frappa à la porte. Lorsque j’ouvris, je découvris une femme. La trentaine, le corps abîmé par la vie. Un bébé endormi dans les bras, un gosse de quatre à cinq ans accroché à sa jupe.
« Messire Ruprecht Wilde ? Je vous en prie, j’ai besoin de votre aide. On m’a dit que vous résolviez les problèmes. J’ai besoin de vous ».
Une fois assise, elle commença à me déballer son histoire. Son père était mort deux nuits auparavant. Un vieillard, qui vivait seul mais à qui elle rendait visite au moins une fois par semaine pour lui apporter des provisions. Tout portait à croire qu’il était mort dans un incendie accidentel. « Mais c’est impossible messire ! Même en plein hiver, mon père redoutait tellement les incendies qu’il ne s’endormait jamais tant que son feu brulait encore ! Il préférait dormir sous cinq couvertures que laisser un feu brûler sans surveillance. Je suis sûre qu’il a été assassiné messire. Mais le guet a classé l’affaire et décrété que c’était un accident. »
Je voulus inspecter la scène avant d’accepter ou de refuser l’offre. Il ne restait rien de la masure. Les murs étaient en bois, le toit en chaume, et tout avait brûlé. Le corps avait été emmené au temple de Morr… Il ne serait pas facile d’y avoir accès à moins de se faire passer pour un membre de la famille.
« Madame, je voudrais voir le corps de votre père. Je vais avoir besoin de votre aide. »


Le plan fonctionnait sans encombre. Un initié de Morr nous menait à travers les couloirs du temple, jusqu’à la salle où reposait le corps. Avec une grande douceur, il ouvrit la porte et nous fit signe d’entrer. « Il est ici, madame. Si vous ou votre beau-frère avez besoin de quoi que ce soit, frappez simplement à la porte et l’un de nous viendra vous assister. Que Morr veille sur son âme et sur la vôtre, Madame, Monsieur. »
Le corps gisait sur une table, éclairé seulement par quelques bougies. En attrapant une, je commençai l’examen. Le corps était presque entièrement carbonisé, et comme je le craignais je ne pourrai pas en tirer grand-chose… Après plusieurs minutes à m’esquinter les yeux, je commençai à penser que cette visite était inutile. Quand on frappa à la porte, qui s’ouvrit. Une prêtresse entra. Petite, rondelette, les cheveux bruns, elle entra d’un air martial et assuré. Elle se dirigea vers la femme et lui présenta ses condoléances avec une grande douceur. Puis elle se tourna vers moi « Monsieur, je voudrais vous parler seul à seul, je vous prie ». Elle m’emmena dans une autre salle, vide.
« Morr m’a envoyé un songe. L’interprétation des rêves est un art difficile, mais je suis convaincue d’une chose : cet homme a connu une mort violente. J’ai vu une ombre sur lui. Et je vous ai vu, entouré par cette ombre. Morr apprécie que vous cherchiez son assassin, mais vous courez de graves dangers. Je vous aiderais volontiers, mais cette quête n’est pas la mienne. Je ne peux rester, même si je sens que je suis liée à cette histoire sans que je sache comment. Bonne chance, et que Morr vous accorde une mort douce lorsque votre heure sera venue.
- Attendez maîtresse des corbeaux ! Ne pouvez-vous rien me dire de plus ?
- Hélas, non. Morr ne m’a rien indiqué de plus. La suite vous appartient. »
Elle partit sur ces mots. Je retournai dans la première salle. La femme priait toujours pour l’âme de son père.
« Madame ? J’accepte cette enquête. Je trouverai l’assassin de votre père. »

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 21:58

Le jambon du vieux était très bon. Cela faisait déjà une bonne semaine qu’elle vivait dessus. Se coupant une nouvelle tranche, elle la posa sur son pain et entreprit de dévorer sa tartine. Soudain, elle entendit un bruit. En un éclair, elle bondit derrière son rempart et dégaina son arbalète. Depuis plusieurs semaines qu’elle l’occupait, elle avait eu le temps d’aménager sa tanière. Elle se trouvait au cœur d’un quartier d’habitation ravagé par un incendie il y a quelques années, et toujours pas rebâti. Elle s’était logée au centre des déblais, dans une zone difficile d’accès. Les éboulis formaient un tunnel par lequel un adulte ne pouvait pas passer sans se mettre à quatre pattes. Elle-même était obligée de s’accroupir. Mais au centre, elle avait dégagé une pièce. Quelques planches servaient de toit et face à l’accès, elle avait entassé des blocs pour se faire un rempart. Enfin, elle avait creusé un petit tunnel lui permettant de s’échapper au besoin. Un refuge parfait.

Le bruit se rapprochait. Enfin, elle vit deux yeux luire dans le tunnel. Des yeux de félin. Elle resta vigilante jusqu’à ce que le chat émerge du tunnel. La fixant de ses grands yeux il s’approcha en miaulant et commença à renifler le jambon.

« Eh ! Dégage ! Touche pas à ça ! » Elle lui lança une pierre. Le chat s’enfuit en feulant, et elle remballa le jambon. Un miaulement retentit soudain derrière elle. Cet idiot de chat était revenu.

« Qu’est-ce que tu fous là ? Dégage sale bête ! Je veux pas de toi ! ». Le chat s’assit et la regarda. Elle essaya de l’ignorer, mais il commença à se frotter à sa jambe. Elle lui flanqua un coup de pied. Une nouvelle fois, il s’enfuit en courant.  Deux minutes plus tard, il était de retour.

« Je dois admettre que tu es coriace ! ». Une idée lui traversa l’esprit. Après tout, pourquoi pas ? Elle lui coupa un bout de jambon et lui lança. Le chat l’attrapa au vol, puis revint se blottir contre elle. Elle posa sa main sur le dos de l’animal et commença à le caresser délicatement.

Le chat se mit à ronronner. La Fouine coupa un autre morceau de jambon, le lui donna. Le félin l’engloutit. Puis, sans cesser de le caresser, elle attrapa la couverture, l’étendit sur elle et sur l’animal. Lorsque tous deux sombrèrent dans le sommeil, elle était encore en train de le caresser.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:02

L’affaire semblait plus complexe que prévu. Après deux semaines de recherches, je n'avais trouvé aucun indice, aucun témoin… À croire que si la mort n’était pas accidentelle, elle était le fait d’un fantôme ! Mais d’un fantôme récidiviste… En traînant dans le quartier, en discutant avec les habitants et avec mes anciens amis du guet, je m'étais rendu compte que depuis quelques mois le quartier semblait abonné aux accidents étranges. Une famille entière, cinq personnes, empoisonnées par un ragout aux champignons mortels. Deux autres incendies. Un homme décédé en nettoyant son pistolet, un bourgeois tombé dans ses escaliers. Plusieurs ivrognes repêchés dans le Reik, dont un qui aux dires de ses parents n’avait jamais bu une goutte d’alcool… Plus étonnant, un gyrovague de Sigmar, habitué à vivre de mendicité et à entretenir les autels du quartier, avait été retrouvé sauvagement assassiné. Ses entrailles ouvertes avaient été dévorées par les chiens errants, mais d’après les enquêteurs le ventre avait été ouvert à l’aide d’une dague.

Exception faite du moine, toutes ces morts pouvaient passer pour des accidents et semblaient n’avoir aucun lien les unes avec les autres. Jamais, jamais l’assassin n’avait laissé d’indices. Pourtant, je ne m’inquiétais pas. Tôt ou tard, il ferait une erreur. Et alors je le coincerais. Le Mal a bien des visages, mais il finit toujours par être démasqué.

Le plus simple serait de convaincre le guet de multiplier les rondes, pour mettre la pression sur le tueur et l’amener à prendre plus de risques jusqu’à ce qu’il fasse enfin un faux pas. Mais sans preuve d’aucune sorte, je n’aurais aucune chance d’y parvenir. Alors j’allais devoir mouiller la chemise. Les morts avaient presque toutes eu lieu la nuit, il me faudrait patrouiller les rues. En espérant me trouver au bon endroit au bon moment. Et en espérant surtout être plus fort que lui le jour où je l’affronterais…


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:03

Le froid sec la réveilla. Ouvrant les yeux, elle vit Altdorf se couvrir d’un manteau neigeux. Mauvaise nouvelle. Non seulement survivre à l’extérieur allait devenir plus compliqué, mais elle risquait aussi de laisser des traces. Heureusement, elle n’avait pas tout à fait terminé les provisions du vieux schnock. Elle pouvait encore tenir quelques jours. Il était temps de se remettre en chasse et il lui fallait repérer une nouvelle cible. Le Chat dormait encore à côté d’elle. Depuis qu’elle avait commencé à le nourrir, il s’était bien remplumé. Le gueulard famélique qu’elle avait connu avait repris du poil de la bête. Elle, en revanche, s’était encore affinée. À l’exception, hélas, de sa poitrine, qui commençait à se développer légèrement. Elle espérait que ses seins resteraient petits. Ressembler à une gamine était bien trop pratique ! Personne ne se méfiait d’elle, tandis que si elle paraissait son âge il lui serait plus difficile de duper son monde.

Puisque la neige allait compliquer sa tâche, elle devait jouer la prudence. Elle avait repéré il y a quelques temps la boutique d’un charcutier qui vivait seul. En s’y prenant bien, elle devrait pouvoir repartir avec suffisamment de salaisons pour tenir plusieurs semaines. À la nuit, elle se mettrait en chasse. Pourvu que d’ici-là, son mal de ventre soit passé !

Prenant garde à ne pas réveiller le Chat, elle se leva et se rendit aux latrines qu’elle avait aménagées. Une façon élégante de dire qu’elle avait creusé un trou dans le sol. C’est en baissant ses sous-vêtements qu’elle vit le sang. Elle comprenait mieux les douleurs. La poisse ! Un souci de plus à gérer, qui reviendrait chaque mois. Quelle plaie…

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:04

Les rues de la ville se couvraient de neige. Caché dans un androne, je me rencognai un peu plus pour m’abriter de la bise froide qui me cinglait le visage. Les gants me protégeaient les mains, mais par précaution je fis jouer un peu les jointures de mes doigts afin qu’ils conservent leur mobilité. Juste au cas où. Mais je doutais que le tueur se montre par un temps pareil. Il lui serait très difficile de masquer ses traces, et je le soupçonnais d’être trop prudent pour ça. Lorsque le vent se calma, j’allumai une torche et me mis en route. Il était temps de refaire un tour du quartier.

Se déplaçant de cachette en cachette, la Fouine avançait vers son objectif. Elle faisait en sorte de laisser le moins de traces possible, marchant autant que possible sous les encorbellements et les avancées de toit. Lorsqu’elle était contrainte de laisser des traces dans la neige, elle faisait traîner son manteau derrière elle. Cela adoucissait les empreintes, et elle comptait sur la neige qui continuait à tomber pour achever de les recouvrir. Soudain, elle entendit des bruits de pas s’approcher. Elle devait se cacher ! Une charrette était garée sur le côté de la rue. Le plus discrètement possible, elle se glissa dessous.

Il me semblait avoir entendu un bruit. Très léger. De la neige ayant glissé d’un toit, peut-être ? Dans le doute, je posai la main sur le manche de ma dague avant de tourner le coin de la rue. Elle était déserte et pourtant je ne pouvais me défaire de la sensation d’être observé… Dégainant ma dague, je commençai à vérifier toutes les cachettes possibles. Elles étaient peu nombreuses. Deux ruelles, trois vieux tonneaux. Et une charrette.

Les gestes de l’homme étaient précis, assurés. Il avait adopté une position de garde efficace : il savait visiblement se battre, et savait aussi mener une fouille. Il ne lui faudrait pas longtemps pour la trouver. Plusieurs solutions s’offraient à elle. Avant de se mettre en chasse, elle avait préparé la lame de sa dague et plusieurs carreaux. Mais le poison gelé serait moins fulgurant qu’à l’habitude : l’homme aurait le temps de riposter, et ne s’en priverait pas. Elle pouvait aussi jouer la fillette et chercher à le duper. Quelle que soit sa décision, elle devait réfléchir promptement. Elle aperçut soudain son visage, et le reconnut. Ces derniers temps, elle l’avait vu errer plusieurs fois dans le quartier. C’est alors qu’elle réalisa qu’elle ne l’avait jamais vu avant la mort du vioque.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:08

Un bruit provint de la charrette : me retournant, je compris que quelqu’un s’extirpait de sous le véhicule. Mais il restait invisible, étant sorti à l’opposé de ma position. Tenant ma dague, je commençai à contourner la charrette. Je ne m’attendais pas à ce que j’allais y trouver. Une gamine, les vêtements trempés. Elle avait l’air gelée et tremblotait. Pourtant, la lueur de ma torche se reflétait dans son regard déterminé. Et ses mains frissonnantes pointaient une petite arbalète vers moi.

« Bonjour petite. Ne crains rien, je ne te veux pas de mal ».

Je rengainai ma dague. De toute façon, si elle tirait, mon arme ne me serait guère utile. Et si je voulais frapper le premier, je devrais être capable de la maitriser à mains nues. Elle était terriblement fluette et n’avait pas du manger à sa faim depuis bien trop longtemps.

« Je m’appelle Ruprecht. Tu n’as rien à craindre de moi. Baisse ton arbalète, et nous pourrons discuter calmement ! »

La fillette baissa son arme.

« Merci. Je vais m’avancer maintenant. Comment t’appelles-tu ? » J’avançais de trois pas, lentement.

- Je m’appelle Angélique.

- Enchanté, Angélique. Que fais-tu dehors à cette heure-ci, et par ce temps ? Tu n’as nulle part où dormir ?

- Non. Je cherche à manger. »

Je n’avais jamais vu une gamine pareille. Son attitude, sa gestuelle, étaient ceux d’un animal. Elle semblait prête à prendre la fuite en permanence. Il était limpide qu’au moindre geste de travers de ma part, elle aurait disparue avant que j’aie le temps de dire geheimnistag.

« Je n’ai rien à t’offrir à manger. Mais j’ai une outre d’hypocras. En veux-tu ? Cela te réchauffera. » Elle hocha la tête. Lentement, j’attrapai l’outre à ma ceinture. Puis j’approchai d’elle. Elle recula instinctivement, maintenant la distance exacte entre nous. Au pouce près. Une manœuvre qui aurait impressionné n’importe quel diestro estalien ! Je lançai alors l’outre à ses pieds. Sans me quitter des yeux, elle la ramassa, l’ouvrit, et la renifla longuement, plusieurs fois, avant d’enfin en prendre une gorgée. Puis elle la reboucha et me la renvoya. Elle en avait pris une quantité tout à fait raisonnable. Malgré son gabarit miniature, aucun risque que l’alcool n’entrave ses réflexes. Cette gamine n’était pas si inoffensive qu’elle le paraissait.

« Dis-moi, Angélique, c’est ici que tu vis ? Tu dois bien connaître le quartier ?

- Pas trop mal. Qu’est-ce que vous cherchez ?

- Pas quoi. Qui. Mais nous devrions trouver un endroit tranquille pour discuter. Tu en connais un ?  

- Peut-être. Suivez-moi. »  

Elle se mit à parcourir le dédale des rues à une vitesse impressionnante. Tournant sans cesse à gauche, à droite, je crus reconnaître les mêmes lieux à plusieurs reprises. J’étais prêt à parier qu’elle prolongeait volontairement le chemin pour que je ne puisse pas retrouver la route, et qu’elle fonçait si vite pour me tester. Mais je commençais à connaitre le secteur : le jour venu, au besoin, je devrais pouvoir retrouver la destination.
Enfin, après 20 bonnes minutes de marche rapide, elle atteignit un cabanon abandonné, situé dans un terrain vague.  Elle ouvrit la porte.

« Votre torche est sur le point de s’éteindre. Vous en trouverez d’autres à gauche de la porte ».

Effectivement, plusieurs torches y étaient posées. Il n’y avait rien pour en accrocher une, aussi en plantai-je une dans la terre avant de l’allumer. Angélique était déjà assise au sol, son arbalète de poing posée à côté d’elle, un carreau chargé. Elle ne me faisait pas encore confiance.

« C’est ici que tu vis ?

- Non. J’y passe de temps en temps, mais on dit que cet endroit est maudit. Les derniers clochards à l’avoir squatté ont tous été retrouvés morts.

- Morts comment ?

- Aucune idée, c’est juste une rumeur que j’ai entendue. Pourquoi ça vous intéresse ? »

Tout en parlant avec elle, je continuais à l’observer. Bien qu’assise, elle restait sur le qui-vive. Je n’arrivais pas lui donner un âge. Elle pouvait avoir de 9 à 13 ans. Voire 14, si elle était particulièrement frêle… Mais son regard était considérablement plus âgé. J’ai souvent vu des enfants des rues avec des regards plus vieux qu’eux. C’est une vie qui fait vieillir prématurément… Mais elle ! Elle devait avoir vécu des horreurs. Son regard était d’une profondeur peu commune. Elle me regardait comme si elle avait déjà tout vu, tout vécu, ce qui n’était pas impossible… Elle était débrouillarde, pour survivre seule dans cet environnement. Visiblement, elle connaissait le quartier comme sa poche. Elle savait se cacher, et même moi je l’avais à peine entendue. Enfin, après vingt minutes de course, elle était à peine essoufflée alors que je n’avais pas encore repris mon souffle… Visiblement elle avait à peine forcé ! Son aide pourrait m’être précieuse. Mais était-elle digne de confiance ?

« Tout m’intéresse. Tout ce qui peut m’aider à comprendre ce qu’il se passe dans ce quartier. Et pour commencer, j’aimerais savoir comment une jeune fille comme toi s’est-elle retrouvée à vivre seule ici ? Tu n’as pas de parents ?

- Mes parents sont morts. Ma mère en me mettant au monde, et mon père assassiné par le Grand Cercle. C’était un herboriste qui avait refusé de céder à leur chantage. »

Je me souvenais de cette histoire… Le meurtre remontait à un an et demi à peu près. À l’époque, j’étais encore membre du guet et avais encore quelques illusions. L’herboriste avait été retrouvé dans sa boutique. Ligoté, on l’avait forcé à avaler les plus dangereuses de ses propres plantes et sa mort avait été lente et douloureuse. Les soupçons s’étaient portés sur le Grand Cercle, mais on n’avait rien pu prouver. Il avait effectivement une fille, qui n’avait jamais été retrouvée… L’âge pouvait coller.

L’homme réfléchissait. Elle était assez fière de son mensonge. C’était elle qui avait mené le groupe chargé d’exécuter le mauvais payeur… Elle avait fait trancher la langue de la gamine avant de l’envoyer à Marienburg.

« Je suis désolé. J’avais entendu parler de cette histoire. Mais pourquoi ne pas être allée voir le guet ? Ou les Shalléens ?

- Mon père avait toujours dit que le guet était impuissant face au Grand Cercle. Je suis allée chez les Shalléens. J’y ai passé quelque temps, mais la mère supérieure nous battait. Elle nous forçait à nous mettre nus devant tout le monde, avant de nous frapper. Alors je me suis enfuie. Depuis je me débrouille.

- Mais comment as-tu fait pour survivre seule dans la rue ? C’est un milieu difficile. Il peut arriver n’importe quoi à une fillette. Il ne t’est jamais rien arrivé ? »

Elle ne répondit pas, mais se recroquevilla sur elle-même, ramenant ses genoux contre elle. Son silence était éloquent. Je voulus la réconforter, lui posant une main sur l’épaule. La fillette recula brutalement comme si mon contact l’avait brulée. Blottie contre le mur, elle me regardait à présent d’un air effaré, les bras croisés sur sa poitrine, les jambes serrées contre elle. Dans la panique, elle avait même délaissé son arbalète.

« Pardon Angélique, je n’aurai pas dû faire ça. Excuse-moi. »

Il fallait que je la calme. Je commençais à imaginer ce qu’elle avait dû subir… Je pris son arbalète et la lui tendit. Elle l’attrapa. Le contact de l’arme semblait la rassurer, et elle déchargea l’arme. La tenir lui suffisait. Elle n’avait donc pas perdu toute confiance en moi, et au contraire mon geste l’avait clairement rassurée. Je devinai en tout cas qu’elle avait déjà dû utiliser son arbalète, pour se défendre… Je ne pouvais pas lui en vouloir. Légitime défense, sans cela, son petit corps aurait surement été découvert un matin au fond d’une ruelle ou dans un caniveau.

« Je ne t’embêterai plus avec ton passé, Angélique. Mais si un jour tu as besoin de quelqu’un à qui parler, n’hésite pas. Tu connais bien le quartier n’est-ce pas ? As-tu entendu parler de l’incendie dans lequel un vieil homme est mort il y a une vingtaine de jours ? »

Elle hocha la tête.

« Je travaille pour sa fille. Elle est convaincue que le pauvre homme est mort assassiné. Et il n’est certainement pas le seul. Laisse-moi te raconter mon enquête… »

Angélique était visiblement intéressée. Elle se détendait au fil de mon récit et finit même par reposer son arme.

« Voilà, tu en sais autant que moi. Je pense que tu pourrais m’aider. Tu as fait des choses terribles pour survivre, mais c’est fini. Aide-moi, viens travailler avec moi. Je te payerai, et tu pourras te consacrer à apporter enfin un peu de bien en ce monde.

- Je pourrais vous aider ? Être utile, et agir pour faire le bien ?

- Oui Angélique. Tu sais, la vie m’a appris beaucoup. J’ai appris que le Mal a bien des visages, mais je suis convaincu d’une chose : Personne ne naît mauvais. On le devient, et il n’est jamais trop tard pour changer. Quoi que tu aies dû faire pour survivre, tu pourras l’effacer.

- Je vous aiderai Messire. Je ferai tout mon possible !

- J’en suis sûr Angélique. Merci. »


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:10

La nuit avait été bonne. Certes, ses plans avaient été perturbés, mais la rencontre avec Ruprecht avait été fructueuse. L’homme qui devait enquêter sur son dernier meurtre l’avait trouvée par hasard, mais elle l’avait joué. Comme un bleu ! Avant de la quitter, il lui avait donné quelques piécettes. En s’y prenant bien, elle pourrait manger 3 ou 4 jours, tout en nourrissant le Chat qui dormait contre son flanc. Le tester, le mener en bateau, lui mentir, le manipuler avait été agréable... Si agréable ! En y repensant, elle se sentait troublée. De nouvelles sensations s’emparaient d’elle. Comme la mort du vieux schnock, manipuler l’enquêteur avait été presque… jouissif. Pour la première fois depuis qu’elle avait tué le vieux débris, la Fouine s’endormit avec le sourire.

Le froid vif la réveilla avant l’aube. Elle se leva, se prépara, et comme chaque matin vérifia le mécanisme de son arbalète puis nettoya son pistolet. Ensuite seulement elle put déjeuner, raclant les dernières chairs du jambon. Le Chat, repu, se rendormait déjà. La Fouine se mit en route et arriva en avance au rendez-vous conclu avec Ruprecht.




À mon arrivée, Angélique était déjà là. Discrètement, je pris le temps de l’observer avant de la rejoindre. Elle s’était placée en bordure de la place du marché, dans une petite encoignure qui lui permettait de surveiller l’essentiel du lieu. Elle avait aussi plusieurs possibilités de fuite, avec deux rues qui donnaient sur le dédale dans lequel elle avait tenté de me perdre la veille… Sa cape courte était soigneusement ajustée pour cacher son arbalète, mais je ne doutais pas qu’elle puisse la dégainer en une fraction de seconde. Cette petite était décidemment douée !

« Bonjour Angélique.

- Bonjour. Alors quel est le programme ?

- Aujourd’hui, nous allons commencer par rendre visite à un de mes amis. Un garde de la ville, un des rares qui ne soit pas totalement pourri. Et un des rares à se soucier de son travail. Il m’a promis de se renseigner, nous allons voir s’il a trouvé quelque chose.

- Je vous suis ! »


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:13

Le rendez-vous avait lieu dans une taverne pas trop mal famée. Si la Fouine se souvenait bien, elle était sous la protection du Grand Cercle, du moins avant le coup de filet. Il lui importait peu de savoir ce qu’il en était aujourd’hui ! Elle préférait se concentrer sur son interlocuteur. La dernière fois qu’elle avait été en présence d’agents du guet, elle s’était empressée de leur filer entre les doigts à la première occasion. Face à celui-ci, les choses n’auraient peut-être pas été aussi simple. Il avait l’air nettement plus éveillé que la plupart de ses collègues. Il était néanmoins plus vulnérable que Ruprecht, qui presque instinctivement s’était installé de façon à avoir presque toute la salle sous les yeux, le reste étant forcément couvert par le garde. Qui plus est, en s’asseyant, Ruprecht avait fait jouer sa dague dans son étui et s’était installé de façon à la garder parfaitement accessible. Le tout si naturellement que c’était clairement un réflexe. Le garde, en revanche, ne se méfiait pas. À moitié avachi sur sa chaise, son manteau et sa cape l’empêcheraient de dégainer rapidement. À sa décharge, aucun des clients n’avait l’air franchement dangereux. Ce n’était toutefois pas une raison pour ne pas se méfier. Après tout, elle avait l’air parfaitement inoffensive alors qu’elle était probablement la personne ici à avoir le plus de sang sur les mains !

« Angélique, voici Ludwig. Ludwig, je te présente Angélique, mon… assistante.

- Ravi de te revoir, Ruprecht. Enchanté, jeune fille.

- Alors, qu’est-ce que tu as pour moi ?

- Malheureusement, pas grand-chose… Il y a quelques mois, le quartier était sous le contrôle du Grand Cercle. Un crime comme celui de ton vieil homme aurait été très improbable, car la plupart des brigands travaillaient pour eux et ils avaient pas besoin de vols aussi minables. Ton homme était rien, il sortait quasiment pas de chez lui, et il était qu’un potier à la retraite. Pas d’histoire, pas d’ennemi, aucun rapport avec les gangs, ça je peux te l’assurer. J’imagine qu’à l’époque où il travaillait, il devait verser son écot comme tout le monde mais ça devait pas monter bien haut ! Tu vois, je dirais pas que je regrette le règne du Grand Cercle, mais au moins ils contrôlaient le crime. Aujourd’hui tous les gangs s’entretuent pour leurs zones, et la criminalité explose ! Les petits brigands chassent du petit gibier, et j’imagine que ton vieux a été victime de l’un d’entre eux.

- Et le guet ?

- Pire qu’avant. T’es parti à temps. Les petits poissons en bas de la chaîne alimentaire s’intéressent qu’à la paie, et évitent autant que possible de se faire tuer. Et les gros poissons se font arroser par les gangs. Mais ils gagnent moins qu’avant, alors ils attendent qu’un gang prenne le dessus sur les autres pour augmenter les tarifs. Pas étonnant que les collègues aient conclu à des accidents, ça arrangeait tout le monde.

- Alors pourquoi tu restes ? »

Ludwig eut un petit sourire en coin.

« Par lâcheté, je suppose. La paie fait pas rêver, mais elle suffit pour vivre. Alors je m’accommode de la situation, et j’essaie d’aider les gens malgré tout. Si ma conscience l’emportait, je ferais comme toi, j’enverrais tout valser, mais regarde-toi… Ça ne nourrit pas son homme ! Je t’admire, mais j’ai une famille à charge et je peux pas me permettre de tirer le démon par la queue.

- Je comprends. Je ne te jette pas la pierre. Autre chose pour moi ?

- Ouais, j’ai causé avec les collègues qui s’étaient occupé des autres dossiers dont tu m’as parlé. À chaque fois, la mort a paru accidentelle mais clairement, personne s’y est intéressé plus que ça. Rien indiquait que c’était le même tueur. À chaque fois, on a retrouvé de l’argent sur le corps, ou dans la maison. Rien n’apparaissait dérangé. Certaines des familles ont dit qu’il manquait une partie de l’argent, mais elles n’en étaient jamais certaines… D’autant que je soupçonne les gardes de les avoir convaincues du contraire, pour pouvoir classer les affaires plus vite.

- Mais si on suppose que le voleur faisait exprès de ne pas tout prendre…

- Alors tout s’éclaire, et on a affaire à une saleté suffisamment intelligente pour laisser volontairement une part de l’argent et faire croire à un accident. Content de voir que tu arrives à la même conclusion ! Par contre, je suis convaincu que le meurtre de ton gyrovague est sans rapport. Vu l’état du corps, c’était vraiment de l’acharnement. Les sigmarites penchent pour un crime commis par des chaotiques, et j’ai tendance à les croire.

Bien vu. Ce n’était pas un coup planifié, comme les autres. Elle avait agi à l’instinct, sans vraiment savoir pourquoi. Elle avait repéré le moine errant dans la journée. Il prêchait à un carrefour, prétendant que Sigmar gardait l’Empire, et veillait sur ses fidèles. Qu’il protégeait les innocents… et que son feu purifierait toutes les abominations. Elle l’avait traqué toute la journée, et au soir, était parvenue à l’attirer dans une ruelle sombre. Et alors elle l’avait massacré. Pourquoi ? Elle s’en souvenait à peine, mais cela lui avait fait du bien. C’était seulement… la chose à faire. Elle se revoyait le tuer, le faire souffrir, encore et encore. Et cela se mêlait à des images, à des sensations plus anciennes. Une masure dans la forêt. Des chocs contre une porte, une foule, les gens l’entourant et l’écrasant, des cris. Une grande chaleur, une grande lumière, et une silhouette de femme au milieu. Une femme qu’elle connaissait. C’était… C’était sa…

Une douleur soudaine la ramena à elle. La rumeur sourde de la taverne avait remplacé les détonations et les cris. Elle sentit un goût métallique dans sa bouche, et un liquide. Du sang.

« Angélique ? Tout va bien ? Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Elle s’était mordu la langue, et la douleur l’avait ramenée. Elle ne devait pas se permettre ce genre d’absence. Elle restait figée, et en revenant à elle, impossible de se souvenir de ses pensées. Cela ne lui était plus arrivé depuis longtemps. Cela ne devait plus lui arriver. Elle y veillerait.

« Ce n’est rien, je me suis mordu la langue. Je ne sais pas comment j’ai fait, continuez. Je suis désolée.

- Ne t’excuse pas. Tu es sûre que ça va ?

- Oui oui, ce n’est rien du tout

- Très bien, de toute façon nous avions fini. Merci pour tout, Ludwig.

- Je vous en prie. Les boissons sont pour moi. J’espère que tu coinceras ce connard, Ruprecht ! Qu’il y ait un peu de justice dans cette ville. Pour une fois. »

D’une gorgée, elle termina son lait de chèvre. La justice… Quelle blague !





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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:14

Ce rendez-vous ne m’avait pas apporté grand-chose, mais au moins mes pressentiments étaient confirmés. J’allais devoir réactiver mes contacts un peu plus interlopes pour tenter d’identifier ce fantôme meurtrier… Probablement un ancien du Grand Cercle, qui travaillait maintenant en solo. Il y avait aussi une petite possibilité pour qu’il soit un nouveau venu, mais j’espérais bien que ce ne soit pas le cas. Un nouveau venu, solitaire, serait bien plus difficile à retrouver. Il fallait réfléchir à…
Des cris retentirent soudain à l’angle de la rue.

« Vite Angélique, suis-moi ! »

En arrivant au carrefour, je pus enfin distinguer la source des cris. Deux brigands étaient en train d’agresser une femme. Au sol, un serviteur se tordait de douleur. À côté, paniquée et accrochée à la jambe de sa mère, une enfant pleurait en hurlant. Je courais aussi vite que possible. J’entendais Angélique sur mes talons. Les voleurs avaient pris le dessus sur leur victime, et la plaquèrent violemment face au mur. Tandis que l’un la maintenait, l’autre lui arracha sa bourse et ses bijoux. La femme continuait à se débattre. Je n’avais qu’une centaine de pas à parcourir avant de pouvoir la secourir, mais les badauds qui observaient la scène encombraient la rue. Et bien sûr, pas un ne tentait d’intervenir…

La femme continuait à se débattre. Pour se débarrasser d’elle, son agresseur l’attrapa par les cheveux et lui frappa la tête contre le mur. À demi assommée, la femme glissa jusqu’au sol. La fillette hurla de plus belle et se jeta contre un des brigands. Sans une once d’hésitation, celui-ci la reçut d’un coup de pied au ventre, si violent que l’enfant fut projetée au sol. Il la frappa de nouveau, dans les côtes. Peut-être se serait-il acharné si son complice ne l’avait pas attrapé par l’épaule pour lui dire de s’enfuir.

« - Salaud !!! » C’était la voix d’Angélique. J’entendis sa course s’accélérer, et elle me dépassa en quelques pas.

« Angélique, attends, ! N’y va pas seule ! » Elle ne m’écoutait pas, et passa devant les victimes sans même ralentir. Je m’arrêtai le temps de prendre de leurs nouvelles. La femme était sonnée, mais devrait s’en sortir. La fillette sanglotait, se tenant les côtes. Probablement fêlées, voire cassées, mais elle s’en remettrait. Leur serviteur, en revanche, était mal en point. Un couteau était encore planté dans son ventre. S’il avait transpercé les intestins, ses chances de survie était minces, à moins de pouvoir compter sur un Shalléen capable de miracle. Mais dans l’immédiat la lame limitait l’hémorragie, et tant que personne ne tentait de le déplacer ou d’enlever l’arme, il pourrait tenir jusqu’à l’arrivée des secours. Lançant quelques instructions aux curieux attroupés, je me lançai à la poursuite des voleurs et d’Angélique. Par les démons, pourquoi cette idiote était-elle partie seule ? Cela risquait de lui coûter cher si je ne la rattrapais pas à temps !


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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:16

Les deux bâtards étaient rapides et connaissaient bien les rues. Mais elle aussi, et elle courait plus vite qu’eux. Ils s’engagèrent dans un marché, bousculant badauds et étals. Pourtant, elle savait que ce n’était qu’une feinte de leur part : les marchés étaient fréquemment surveillés par la garde. Ils devaient emprunter les rues parallèles dès que possible. À droite, c’était le Reik, et plusieurs centaines de mètres avant le pont le plus proche. À gauche, c’était un vieux quartier et un dédale de ruelles. En prenant tout de suite à gauche, elle pouvait espérer les surprendre, à condition que la chance soit avec elle. Elle devait prendre le risque tant qu’ils ignoraient qu’elle était à leurs trousses. Tout en courant, elle attrapa son arbalète et l’arma puis prépara un carreau dans sa main gauche. Enfin, elle vit débouler les deux connards à une cinquantaine de mètres devant elle. Ils traversèrent la rue pour disparaître dans les ruelles mais elle était assez proche pour pouvoir les suivre. Ils ne semblaient pas l’avoir remarquée.

Ils couraient à présent dans des rues presque désertes, mais ils étaient rapides et tournaient trop souvent, ne lui laissant aucune occasion pour tenter un tir. Ils tournèrent de nouveau dans une ruelle où elle s’engagea à leur suite. Mais lorsqu’elle déboula dans la ruelle, ils avaient disparu. Elle accéléra, espérant les apercevoir dans une des rues voisines. Elle entendit soudain un bruit de chute derrière elle. Elle se retourna aussitôt, et reconnut la brute qui avait frappé la gamine, un poignard à la main. Il avait sauté d’un toit. Elle venait de se faire avoir !

« Alors, petite merdeuse, on se prend pour une justicière ?

- Tu vas vite comprendre qu’il vaut mieux laisser faire les grands. Mais tu ne vivras pas pour en tirer une leçon ! »

La deuxième voix venait de derrière elle. Ils l’avaient cernée. Aucune possibilité de fuite. Il fallait réfléchir vite. Son pistolet était chargé et bien caché. Si elle arrivait à en abattre un avec l’arbalète, elle pourrait s’ouvrir une voie de retraite et utiliser son arme à feu si le second la rattrapait.

« Tu vas poser ton arme. Tout de suite. Si tu es bien sage, tu auras une chance de survivre. Pas en un seul morceau, mais tu survivras. »

Sage ? Elle n’avait jamais été sage. Inutile de jouer les petites filles fragiles avec eux, ils avaient déjà prouvé que tabasser une gamine ne leur posaient aucun problème. Il fallait tenter le tout pour le tout. Elle pouvait placer son carreau et tirer en une fraction de seconde, même les yeux fermés. Elle s’y était entrainée durant plusieurs jours, juste au cas où. L’heure de mettre enfin cet entraînement en pratique était venue. Les yeux baissés, elle fit mine de poser son arme au sol. Elle n’avait pas besoin de regarder sa cible : elle avait parfaitement enregistré sa position.

« C’est bien, la merdeuse. Pose ça et on ne sera pas trop méchants en te corrigeant. »

Au moment où elle était pliée en deux, ses cheveux cachant à moitié son arme, elle passa à l’action. En un éclair, le projectile fut placé sur le rail, la gâchette actionnée. Il n’avait pas encore atteint sa cible que la Fouine avait déjà commencé à courir. Le carreau se planta dans l’aine du connard, qui chuta lourdement au sol au moment ou elle passait devant lui. Il tenta d’attraper sa jambe, mais elle esquiva souplement.

La douleur la foudroya, fulgurante, au niveau des reins, si forte qu’elle sentit ses jambes se dérober. Elle chuta lourdement en avant, roula, se retrouva sur le dos et la douleur fut encore plus forte. Elle en eut le souffle coupé. Pendant quelques instants qui lui parurent une éternité, elle fut incapable de penser à autre chose qu’à sa souffrance. Puis elle se passa sa main dans le dos, et sentit le manche d’une dague. L’autre homme avait lancé son arme et elle avait été épinglée comme un papillon. Elle aperçut son arbalète à portée de main, tendit le bras pour l’attraper. La douleur lui arracha un gémissement, mais elle parvint à la saisir. Une chaussure se posa sur son poignet.

« Lâche ça, salope. » Son poignet craqua et elle lâcha l’arme en hurlant. L’homme s’agenouilla en posant son genou sur son bras. Puis il lui donna un coup de poing en plein visage. Puis un second. Son nez craqua, tout devint flou. Elle sentit le tueur attraper le manche du couteau. Elle sentit la lame tourner dans son dos, dans ses reins. Puis l’homme retira le couteau et sa vie commença à s’écouler par la plaie. Elle se sentait partir. Non. Non, pas comme ça, pas sans lutter ! De sa main libre, elle dégaina sa dague.

« Bien tenté, petite merde. Mais ça ne suffira pas. » Son meurtrier attrapa son poignet, le tordit violemment jusqu’à ce que la lame lui échappe des mains. Puis il lui saisit le cou et commença à serrer. Cette fois, c’était fini. Elle ne pouvait plus bouger. Son énergie s’en allait peu à peu, lentement, paisiblement, comme si elle s’endormait.
C’était donc ça la mort ? C’est ça qu’avaient ressenti toutes ses victimes ?

Elle les voyait maintenant. Toutes. D’abord, ce fut le vieillard et sa statuette de Sigmar, puis l’ivrogne. Le gyrovague. Ils défilaient, les uns après les autres, de plus en plus vite. Puis ce fut sa première victime, le répurgateur. Le souvenir de son premier meurtre la réconforta. Elle mourrait au moins un sourire aux lèvres. Elle fut surprise de voir de nouvelles images. Un bûcher. Un éclair dans la nuit, à la faible lueur d’une torche. Elle ne comprenait pas ce qu’elle voyait, mais ça n’avait plus aucune importance. Elle allait s’endormir pour ne plus se réveiller.

Soudain elle put respirer à son aise. Était-elle morte ? Elle rouvrit les yeux et vit une lame sanglante. Puis elle réalisa que la lame traversait le corps du brigand. Elle reconnut l’homme qui tenait l’épée. Ruprecht.

« Ne t’inquiète pas, Angélique. Ça va aller. Je vais t’emmener au temple de Shallya, tiens bon ! » Il arracha la chemise du brigand, découpa une longue lanière et roula le reste en boule. « Ça va faire mal, accroche-toi »

Il la tourna sur le flanc. Elle se laissa faire, aussi molle et passive qu’une poupée de chiffon. Il enfonça le tissu dans la plaie. Elle ne pensait pas qu’il lui restait assez de force pour crier, et pourtant elle poussa un hurlement de douleur. Puis tout devint noir.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:20

« - Messire Wilde ! Soyez le bienvenu. Vous venez visiter votre petite protégée ?

- En effet. Comment va-t-elle ?

- Elle est toujours en vie, ce qui tient du miracle. Elle n’a toujours pas repris conscience depuis que vous nous l’avez amenée hier. Laissez-moi vous conduire à elle.

- Merci Anna. Je vous suis. »

La jeune initiée était celle qui m’avait accueillie la veille, quand j’étais arrivé au temple en portant le petit corps inerte d’Angélique. Dans mes bras, si légère et si pâle d’avoir perdu tant de sang, elle ressemblait vraiment à un ange tombé du ciel. À mon arrivée au temple, elle avait cessé de saigner, mais j’ignorais si c’était grâce à mes soins de fortune ou par manque de sang. J’avais couru tout le long du trajet, prêt à tout pour qu’elle survive. La retrouver avait été difficile. Les brigands m’avaient semé dans le marché, et impossible d’apercevoir Angélique. Heureusement, les passants avaient remarqué les deux hommes en fuite, et les cris de douleur de la pauvre petite m’avaient guidé jusqu’à elle. Sans prendre le temps de réfléchir, j’avais alors dégainé mon épée, achevé l’homme au sol avant qu’il puisse prévenir son complice de mon arrivée puis tué net celui qui étranglait Angélique. Il était temps ! Quelques secondes plus tard, elle serait morte étranglée. Mais elle n’était pas tirée d’affaire pour autant. Elle avait perdu énormément de sang et risquait de mourir rapidement. Pire, même si elle survivait dans l’immédiat, elle risquait de trépasser plusieurs jours plus tard, dans d’atroce souffrances, si ses intestins ou ses reins avaient été atteints. Un médecin ne suffirait pas pour assurer sa survie mais le temple de Shallya accueillait en ce moment un prêtre errant, un faiseur de miracle. Même si le temple était loin, il restait la meilleure chance d’Angélique et je n’avais pas hésité un seul instant.

L’initiée m’amena jusqu’à une alcôve, tira le rideau et me fit signe d’entrer. « Elle est ici. Ne la réveillez pas, je vais aller chercher le père Gavriil. C’est lui qui s’est occupé d’elle, il pourra vous renseigner. »

Je revoyais enfin la pauvre enfant. Lorsqu’elle était arrivée, son état était si critique que les Shalléens s’étaient emparés d’elle et l’avaient immédiatement emmenée dans une salle de soin. Puis Anna était arrivée, avait récupéré les affaires d’Angélique et m’avait guidée jusqu’à une salle d’attente. Elle avait un peu tiqué lorsqu’elle avait réalisé que les seuls biens de cette enfant étaient une dague et une arbalète ! C’est aussi elle qui, quatre heures plus tard, était venue m’annoncer que les nouvelles étaient bonnes, qu’Angélique ne risquait rien dans l’immédiat et que je devrais revenir demain. J’étais alors rentré chez moi et, bien qu’il fût alors à peine 18h, je m’étais endormi comme une masse, vaincu par l’émotion et le soulagement.

Angélique était allongée dans un lit. Sa pâleur, les hématomes sur son visage délicat et son poignet tenu par une attelle témoignaient de ses malheurs de la veille, mais elle dormait paisiblement. Les médicaments des Shalléens l’aidaient certainement à surmonter la douleur. A côté, sur une table, un baluchon fermé renfermait ses affaires. Je reconnaissais la forme de l’arbalète à travers le tissu. Ses vêtements, nettoyés et recousus, séchaient sur la chaise voisine. C’est alors que je remarquai la pancarte posée à la tête du lit. Elle portait les noms des malades. Ne sachant pas quel patronyme indiquer, les initiées l’avaient inscrite sous le nom d’Angélique Wilde…

Silencieusement, je pris la chaise pour la rapprocher du lit et je m’assis pour tenir la main valide de l’enfant. Angélique Wilde… L’idée était absurde, mais après tout je devais bien avouer que je m’étais attaché à elle plus qu’il n’était raisonnable. Je n’avais jamais eu d’enfant, et elle avait clairement souffert toute sa jeunesse. Le destin nous avait-il réunis pour que je lui serve de père ? Il était encore bien trop tôt pour y penser, mais si cela permettait d’apporter un peu de bonheur dans sa vie et un peu moins de solitude dans la mienne, après tout… pourquoi pas ?

Je fus interrompu dans mes réflexions par l’arrivée du prêtre.

« Messire Wilde ? Enchanté de vous rencontrer. Je suis le père Gavriil, humble serviteur de Shallya. C’est moi qui ai eu l’honneur de m’occuper de votre pupille.

- Comment va-t-elle ?

- J’ai pu recoudre et panser sa plaie. Je crois qu’elle a eu de la chance et qu’aucun organe n’a été gravement touché. Mais elle a perdu beaucoup de sang et elle reste très faible. Les prochains jours seront déterminants. Je pense qu’elle a de bonnes chances de s’en tirer, mais son sort est entre les mains de Morr. Je pense que nous allons devoir la garder ici pendant au moins une semaine pour lui permettre de reprendre des forces. Trop d’efforts, trop vite, pourraient l’achever.

- Mais mon père, je l’ai amené ici parce que j’avais entendu dire que la grâce de votre déesse vous permettait d’accomplir des miracles. N’avez-vous rien tenté pour assurer sa survie ?

- Messire Wilde, j’ai tout tenté. Les miracles ont échoué.

- Comment ça ? Vous n’y êtes pas parvenu ? Que s’est-il passé ?

- J’ai réussi à accomplir des miracles sur d’autres patients, toute la nuit. Angélique est la seule pour laquelle j’ai échoué. Vous devez comprendre une chose, Messire, et cela risque d’être difficile à entendre. Lorsqu’on me qualifie de « faiseur de miracles », c’est un abus de langage. Les dieux accomplissent les miracles, nous ne sommes que leurs instruments. Si rien ne s’est produit avec elle, c’est que Shallya l’a souhaité.

- Que voulez-vous dire ? Elle lui aurait refusé sa pitié ?

- Shallya ne refuse jamais sa miséricorde. Mais elle peut prendre plusieurs formes. Et pour certaines personnes, la mort est la seule miséricorde possible. Soit pour eux-mêmes, parce qu’ils sont trop brisés pour pouvoir jamais être heureux, soit pour les autres parce qu’ils répandent le malheur autour d’eux, sans rédemption possible. Lorsque Shallya voit se présenter une de ses âmes perdues, sa douceur lui interdit de prolonger leur souffrance et c’est alors à son père, Morr, que revient la décision. J’ignore ce que cette malheureuse a vécu, mais… il semble que ce soit son cas.

- C’est impossible ! Je me doute qu’Angélique n’a pas eu une vie facile, mais de là à penser qu’elle ne peut rien espérer de la vie alors qu’elle n’est encore qu’une enfant… C’est inimaginable ! Impossible !

- Je suis aussi surpris que vous, c’est la première fois que je suis témoin de cela avec un enfant. Mais les faits sont têtus. Ne vous inquiétez pas, quoiqu’il arrive nous lui apporterons les meilleurs soins possibles jusqu’à ce que les dieux aient fait leur choix.

- Je… je ne sais pas quoi dire. J’ai vu bien des horreurs dans ma vie, mon père, et je sais que le Mal a bien des visages. Mais je refuse de croire que la vie de cette enfant soit fichue avant même d’avoir vraiment commencé !

- Je ne vous demande pas de désespérer. Après tout, les dieux ont peut-être d’autres projets pour elle. Vous devez prier Shallya, Morr son père et Véréna sa mère. Si cette mort est injuste, Véréna l’Intraitable saura infléchir son époux. Priez et espérez, ce que les dieux feront sera bien fait. Je suis désolé, je dois aller m’occuper d’autres malades. Si vous avez besoin de quoique ce soit, demandez à une de nos novices. Que la miséricorde de Shallya soit sur vous.

- Merci mon père… Je… Faites de votre mieux. »

Pourquoi étais-je si atteint ? J’avais souvent combattu des adolescents à peine plus âgés qu’elle, et même s’ils avaient pris un mauvais départ dans la vie, j’essayais autant que possible de les épargner pour leur laisser une chance de s’amender. Dans mes affaires, j’avais souvent rencontré de jeunes victimes dévastées. Mais je n’avais jamais rencontré un enfant irrémédiablement condamné au malheur. Angélique ne serait pas la première. Dès que j’en aurais fini avec cette affaire, je lui parlerais. Je devais savoir ce qui lui était arrivée. Retrouver celui ou ceux qui l’avaient fait souffrir. Et lui rendre justice pour enfin lui redonner espoir.

Pouvais-je réussir là où une déesse elle-même avait renoncé ? C’était présomptueux mais… j’étais déterminé à essayer.

Serrant une dernière fois la main de la frêle au bois dormant, je quittai le temple.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:24

Du blanc... Du blanc partout, à perte de vue. Pourquoi le monde était-il devenu tout blanc ? Elle voyait flou, ne pouvait rien distinguer clairement. Peu à peu, les choses devinrent plus claires. Elle prit conscience qu’elle était dans un lit, sous des draps. Avec des rideaux autour. Un hôpital ? Elle tenta d’appeler, ne parvint qu’à émettre un faible râle. Elle rassembla ses forces, parvint à appeler.

« Il y a quelqu’un ? Où suis-je ? Hého ? »

Quelques instants plus tard, le rideau s’ouvrit. Une jeune femme toute de blanc vêtue apparut. Merde ! Une de ces béni oui-oui shalléenne.

« Ne t’agite pas jeune fille ! Tout va bien, je m’appelle Anna et tu es au temple de Shallya à Altdorf. Nous sommes le 24 du mois d’Ulriczeit, tu as dormi trois jours. Tu te souviens de ce qui t’es arrivé ?

- Oui, un couteau dans le dos. Lancé par un bandit… Je crois que c’est Ruprecht qui m’a sauvée.

- C’est bien. Ne bouge pas, tu as perdu beaucoup de sang et tu es encore très faible. Je vais t’apporter du bon bouillon de poulet, ça te fera du bien. Le père Gavriil sera ravi de savoir que tu t’es réveillée, je vais aller le prévenir. Et tu as manqué Ruprecht de peu ! Il est parti il y a une heure à peine. Mais ne t’inquiète pas, il reviendra ce soir. Il est venu te voir tous les matins et tous les soirs depuis qu’il t’a amenée.

Sa voix était douce et la berçait. Elle conclut ses paroles par un grand et beau sourire, rajusta les draps, puis partit en rabattant les rideaux. La Fouine était déjà en train de somnoler de nouveau. Dans son demi-sommeil, ses souvenirs étaient flous. Elle se revoyait courir dans le marché, mais elle ne savait plus pour quelle raison et elle se demandait pourquoi le marché était rempli de shalléennes poursuivant des poulets pour en faire du bouillon.

Le bruit du rideau la tira de ses rêveries. Un homme entra. Il était à moitié chauve, lui aussi vêtu d’une robe blanche.

« Bonjour Angélique. Bon retour parmi nous ! Anna m’a dit que tu avais toute ta conscience, c’est une excellente nouvelle. Sache que tu l’as échappé belle. J’ai examiné ta plaie ce matin, elle cicatrise bien. Tu as surtout besoin de repos et de nourriture, pour refaire le sang qui te manque. Ne crains rien, tu es en sûreté ici. »

Il saisit un verre sur la table de chevet et souleva lentement la tête de la jeune fille pour l’aider à boire.

« Bois doucement. C’est bien. » Elle avala avidement.

- Après trois jours sans manger, tu dois y aller doucement. Aujourd’hui, bouillon de poulet. Demain, purée de fèves et bouillon de légumes. À partir d’après-demain, si tu as bien supporté le reste, tu pourras avoir un peu de viande.

Il la regarda avec une grande tendresse et une étrange tristesse. « Puisse les dieux veiller sur toi. Je suis soulagé que tu te sois réveillée avant mon départ, je quitte le temple ce soir pour reprendre mon errance mais je te laisse entre de bonnes mains. Prends soin de toi, repose-toi. Et adieu.

- Adieu. Et merci. »

Elle fut soulagée de le voir partir. Pourquoi tant de pitié dans le regard ? Personne ne la regardait comme ça, à part ceux qu’elle avait roulé. Et c’était souvent leur dernier regard. Elle n’avait qu’une envie, quitter ce fichu temple, mais elle était encore trop faible. Elle peinait à garder les yeux ouverts. Heureusement, elle aperçut alors Anna revenant avec un bol fumant. La novice s’assit sur une chaise à côté du lit et commença à la nourrir, cuillère après cuillère. Elle aurait voulu détester ça, mais le bouillon lui faisait un bien fou et elle en savourait chaque gorgée. Au moins, elle pouvait détester le fait de ne pas détester être nourrie comme un bébé !

Le bouillon fini, elle demanda à aller aux latrines. Elle tenait surtout à évaluer ses forces. Le résultat ne lui plaisait pas ! Même soutenue par Anna, elle ne pouvait retenir un petit gémissement de douleur chaque fois qu’elle posait la jambe droite au sol : chaque pas compressait sa plaie encore douloureuse. Et les forces lui manquèrent rapidement : au retour, Anna dut quasiment la porter, puis l’aider à s’allonger et la border comme une enfant.

« Dors un peu Angélique. Ce soir je t’apporterai un nouveau bol de bouillon. À plus tard. »

Le rideau à peine tiré, La Fouine se tortilla, malgré la douleur, pour atteindre le baluchon posé sur la table de chevet. Elle l’ouvrit avec inquiétude mais fut soulagée en apercevant toutes ses armes. Elle s’empara avidement de son pistolet. Sans surprise, on ne pouvait pas compter sur des Shalléens pour entretenir convenablement une arme à feu ! Le plus silencieusement possible, elle déchargea le pistolet et le nettoya soigneusement. Même épuisée, et malgré l'attelle qui tenait encore son poignet gauche, elle pouvait accomplir ces gestes quasi mécaniquement. Puis elle le rechargea. Parce qu’on ne sait jamais quand on devra tuer quelqu’un. Shalléen compris. Enfin elle referma soigneusement le baluchon et le reposa exactement à la même place. À un détail près : avant de s’endormir, elle rangea sa dague sous son oreiller et, enfin tranquille, ferma les yeux et sombra immédiatement dans le sommeil.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:26

Angélique commença à s’agiter, puis ouvrit les yeux. « Bonjour Angélique. Elle tourna les yeux vers moi.

- Bonjour Ruprecht. Je crois que je dois vous remercier. Pour tout.

- Ce n’était rien, mais tu m’as fait tellement peur ! Je t’avais pourtant dit de ne pas y aller toute seule ! C’était courageux, mais idiot. Enfin ce qui est fait est fait, le plus important est que tu t’en sois tirée. Mais ne me refais jamais ça, promis ?

- C’est promis. »

Elle me regarda en souriant. C’était la première fois que je la voyais sourire. Mon vieux cœur fondit instantanément et je pris sa main dans la mienne, espérant que mon émotion n’était pas trop visible. Heureusement Anna me fournit une diversion en arrivant avec son bouillon.

« C’est l’heure du festin ! Mais je vois que notre invitée est déjà réveillée. Ruprecht, puisque vous êtes là, vous accepterez peut-être de jouer les infirmières pour Angélique ?

- Si elle est d’accord, je suis prêt à me dévouer.

- Avec plaisir ! »

Avec douceur, Anna aida Angélique à se redresser, puis partit s’occuper des autres patients. Sans dire un mot, je tendis à la pauvre enfant la première cuillère. Tandis que je l’aidais à manger, mon regard se posa de nouveau sur le panonceau. Angélique Wilde… en cet instant, n’importe qui nous aurait pris pour un père et sa fille.

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Message par Lionel Mer 16 Sep - 22:29

Elle terminait sa soupe de pois au lard quand le rideau s’écarta, découvrant la mère Gothel et Anna. Elle n’aimait pas la mère Gothel, une vieille grenouille de bénitier qui avait probablement moisi toute sa vie au temple. Si elle devait tuer quelqu’un dans ce temple, elle commencerait par cette vieille peau.

« Bonjour Mademoiselle. Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

- Mieux. La cicatrice est encore un peu douloureuse et je suis encore fatiguée, mais je me sens un peu plus forte chaque jour.

- Bien. Je pense que vous pourrez sortir d’ici dans sept à dix jours. Pour autant, j’espère qu’une fois sortie vous vous comporterez enfin comme une jeune fille convenable. Laissez la course aux bandits à ceux qui sont assez forts pour cela, et rendez-vous utile. Trouvez un travail ou un fiancé. S’il le faut, le temple pourra vous embaucher quelque temps pour vous remettre le pied à l’étrier. Les novices doivent s’occuper des malades, mais elles peuvent toujours avoir besoin d’aide pour vider les pots de chambres et changer les draps des grabataires le matin.

- Une offre alléchante. Si un jour j’envisage de mourir d’ennui plutôt qu’à coup de poignard, je me ferai un plaisir de « devenir une vraie jeune fille » !

Gothel lui lança un regard noir tandis qu’Anna ne put s’empêcher de pouffer. Elle baissa les yeux quand sa supérieure se tourna furieusement vers elle, mais dès que la vieille peau fût de nouveau penchée sur la Fouine pour l’ausculter, la novice lança un regard amusé à la jeune fille qui lui répondit par un clin d’œil.

« Bien. Je vais poursuivre ma tournée. Anna, changez le pansement de cette petite insolente. Ensuite, vous me ferez le plaisir d’aller entièrement briquer le sol du sanctuaire. »

Elle partit en rabattant furieusement le rideau. Anna commença à préparer ciseaux, charpie et bandages. Dès que les pas de la prêtresse se furent suffisamment éloignés, la Fouine murmura :

« Je suis désolée, je vous ai encore attiré des ennuis.

- Ce n’est pas grave. Mère Gothel est une bonne soignante, mais… disons qu’elle n’est pas la plus populaire parmi les novices ! Le soir, lorsque je raconte à mes sœurs comment vous prenez plaisir à la choquer, je dois admettre que cela nous détend toutes ! Bien, asseyez-vous et soulevez votre robe, je vais changer le pansement. »

La jeune fille s’assit au bord du lit. Cela faisait maintenant trois jours qu’elle y parvenait sans aide. Elle s’était réveillée il y a cinq jours. Si elle comptait bien, elle avait été blessée il y a huit jours. Elle frissonna lorsqu’Anna appuya les ciseaux sur sa peau pour couper le bandage. Le contact du métal froid réveillait de mauvais souvenirs, mais les gestes de la novice étaient d’une douceur remarquable. Comme chaque jour, elle nettoya la plaie avec un mélange de vin tiède et d’herbes médicinales. Rien qu’à l’odeur, elle avait été capable de les identifier. Même si la forte odeur de girofle couvrait presque les autres, elle reconnaissait le thym et la cannelle. Et peut-être une touche d’origan. En cette saison, elle soupçonnait les novices de boire parfois le remède comme du vin chaud : certaines joues lui paraissaient parfois bien rouges lorsque les jeunes initiées sortaient de leur dortoir, et leur démarche moins assurée qu’à l’accoutumée !

Anna finissait de nettoyer. La Fouine savait ce qui allait suivre. Elle allait délicatement appuyer la charpie sur la plaie, puis soigneusement appliquer un bandage qui ferait trois fois le tour de son ventre. Elle lisserait le bandage pour éviter un pli inconfortable, puis elle le nouerait au niveau de son flanc. Elle devait reconnaître qu’elle aimait sentir les mains d’Anna sur son corps. Le contact de ses doigts fins sur sa peau nue lui faisait parfois réprimer un frisson… Si un jour la novice décidait de quitter le temple, elle pourrait probablement lui trouver une utilité.

Anna finit d’attacher le bandage. « C’est bon, vous pouvez vous rallonger. » Reposez-vous un peu, Ruprecht ne devrait plus tarder, c’est bientôt l’heure de sa visite du matin.
- Je vais m’allonger. Laissez un peu le rideau ouvert s’il vous plaît !

- Bien sûr. À plus tard Angélique !

- Merci Anna. À plus tard. »

La fouine observa la salle. Elle enregistrait la routine du temple. Au coucher du soleil, tous les rideaux étaient tirés et seule une novice, relayée au milieu de la nuit, surveillait la salle. Mais les portes étaient verrouillées. La journée, c’était une fourmilière au milieu de laquelle elle ne pouvait pas passer inaperçue. Si elle décidait de s’échapper sans attendre l’avis de la mère Gothel, le meilleur moment était pendant l’office, en milieu d’après-midi. Là encore, une seule novice restait dans la salle, et elle était généralement absorbée dans les prières. Si un malade avait un souci, elle aurait peut-être même le temps de se faufiler jusqu’à la sortie sans être vue. Et on ne se rendrait pas compte de son absence avant les soins du soir, soit trois bonnes heures avant qu’on ne s’aperçoive qu’elle avait filé à la bretonienne.

Elle vit Ruprecht pénétrer dans le temple. Il lui adressa un grand sourire et se dirigea vers elle avec un grand sourire, une main dans le dos.

« Bonjour Angélique. Tu as bien dormi ?

- Très bien. Avec les médicaments juste avant de me coucher, je n’ai presque plus mal.

- C’est une bonne nouvelle. J’ai une surprise pour toi !

- Petit gâteau au citron et à l’extrait de verveine, saupoudré de grains d’anis ! »

Ruprecht la regarda avec de grands yeux.

- Son odeur me met l’eau à la bouche ! »

Le mercenaire éclata de rire « Décidemment, tu me surprendras toujours ! Tiens, voici ton gâteau. Il y en a un autre pour Anna, pour la remercier de si bien s’occuper de toi. Je l’ai emballé pour éviter que la mère Gothel ne décide de le confisquer. »

- Sage précaution ! »

Il lui tendit son gâteau et posa le second sur la table de chevet. Elle s’en empara avidement et mordit dedans à pleine dent.

« Délichieux !

Ruprecht sourit.

- Je ne peux pas rester, j’ai un rendez-vous. Mais je tenais à passer te voir.

- Quel genre de rendez-vous ?

- Pour notre enquête, tu t’en doutes. J’ai repris contact avec un de mes anciens informateurs. Un gangster, mais avec un semblant d’honneur, qui m’aidait à faire tomber les pires que lui quand j’étais dans la garde. Il connaît bien le quartier où ont eu lieu les meurtres et a des yeux dans toute la ville. Il refusait obstinément de me voir, mais il m’a envoyé un messager hier avec une convocation. J’ignore pourquoi il a changé d’avis mais il faut battre le fer tant qu’il est chaud !

- Vous êtes sûr que ce n’est pas un piège ?

- Aussi sûr qu’on puisse raisonnablement l’être avec un gangster. Il n’a aucune raison de m’en vouloir, c’est normalement une sécurité suffisante avec lui. Ne t’inquiète pas, tout ira bien. Je reviendrai ce soir et je te raconterai.

- Très bien. À ce soir alors ! »

Ruprecht se leva et s’en alla. La Fouine reprit son observation de la salle. Elle estimait qu’elle avait encore besoin de trois ou quatre jours pour être suffisamment remise pour envisager de filer. Autant mettre ce temps à profit !


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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:15

« Vos armes, messire. Le chef vous attend. »

Je n’aimais pas me débarrasser de mon épée et de ma dague. Sans elles, je me sentais nu. Mais c’était le seul moyen de pouvoir rencontrer Gruber, et ce même si c’était lui qui m’avait invité. Je tendis donc mes armes au sbire qui gardait la porte. Un deuxième m’accompagna jusqu’à la maison. Gruber possédait un véritable hôtel particulier en plein Altdorf. Officiellement c’était un honnête marchand. Dans les faits, c’était l’un des plus gros contrebandiers de l’Empire. Mais comme il se limitait à ses trafics et ne trempait guère dans des crimes plus sérieux, cela faisait de lui un bandit presque fréquentable. Et comme il arrosait généreusement les bonnes personnes, il n’était jamais inquiété par les autorités. Bien sûr, il avait des rivaux dans la pègre, et malheur à qui s’attaquait à lui ! Il avait cependant la réputation de se défendre sans pitié, mais de ne jamais enclencher les hostilités. Il me fallait bien compter sur sa réputation pour espérer sortir vivant de son antre.

Un pavillon d’entrée bien gardé. Une cour entourée de hauts murs, avec même un petit chemin de ronde en bois. Gruber était bien protégé. Le gangster ouvrit la porte de la maison. Je la connaissais déjà : le chef de gang était un grand collectionneur de vaisselle en cristal. Son hôtel était rempli des plus fines œuvres des cristalleries de l’Empire. Certaines venaient de Tilée, d’Estalie, et même, disait-il, du lointain Cathay. Aucun risque de cambriolage pourtant : des barreaux protégeaient chaque fenêtre, et des gardes patrouillaient la nuit. Cette maison était un véritable piège de cristal.

Le bandit frappa à une porte, puis l’ouvrit. « Allez-y messire. Vous pouvez entrer. »

J’entrai dans la pièce. C’était un vaste cabinet de travail. Les étagères étaient remplies de livres coûteux. Gruber était assis à son bureau, mais se leva et vint me serrer la main.

« Bonjour Ruprecht. Le plaisir de vos visites se fait bien rare. Je regrette que vous ne sollicitiez une entrevue que lorsque vous avez besoin de moi. Vous savez pourtant que vous auriez toute votre place à mon service.

- Bonjour Hans. Encore une fois, je vous remercie de votre offre, mais je dois la décliner. J’aime mieux rester du côté de la loi.

- Et une nouvelle fois, je vous assure que nous pourrions trouver un arrangement. Pour recruter un homme de votre valeur, je serais prêt à ne vous confier que des tâches absolument légales. Mais trêve de bavardages. Si un jour vous changez d’avis, vous savez où me trouver. »

Hans se rassit, et m’indiqua un fauteuil face à son bureau. Il saisit une carafe et deux verres de cristal. « Prendrez-vous de ce vin bretonnien ? Il est divin, et je viens de le faire décanter en prévision de votre visite. »

Je n’aurais pas souvent l’occasion de boire un vin pareil. Un tonneau valait surement plus cher que ma maison ! Je pris donc le verre que Gruber me tendait. Je me limiterai toutefois à un seul, afin de ne pas émousser mes réflexes. Le contrebandier se servit, puis trinqua avec moi. Je portai le verre à mes lèvres. Le vin était en effet délicieux. Il aurait été dommage de passer à côté.

« Bien, Hans. Passons aux choses sérieuses, si vous le voulez bien. Vous savez que je traque l’assassin qui sévit depuis quelques temps dans la ville. Je suppose que si vous avez demandé à me voir, c’est que vous avez quelque chose pour moi ?

- Et bien, oui et non… Je n’ai pas grand-chose sur ce mystérieux assassin, à part des hypothèses. Je peux vous assurer qu’il ne travaille pas pour moi. Et à mon avis, pour aucun des gangs en activité. J’ai relu plusieurs fois votre courrier, et je vous avoue que j’ai du mal à croire que toutes ces morts soient l’œuvre d’une seule et même personne. Mais si vous avez raison, alors vous avez affaire à un assassin redoutable. Auquel cas il devrait travailler pour un gang. Si j’étais vous, je chercherais du côté des anciens du Grand Cercle. Quelqu’un qui n’aurait pas réintégré le gang et qui tuerait pour son propre compte.

- Idée intéressante. Vous en connaissez ?

- Peut-être. Mais avant de vous répondre, j’aimerais moi aussi vous poser quelques questions sur votre aventure de l’autre jour.

- Quelle aventure ?

- Je sais que vous avez tué deux brutes il y a quelques jours. Et qu’on vous a vu courir pour porter une jeune enfant blessée au temple de Shallya. Que savez-vous de cette enfant ?

- Pourquoi cette question ? Pourquoi vous intéresse-t-elle ?

- Parce qu’un de mes hommes vous a vu, et pense la connaître. À l’heure qu’il est, il doit d’ailleurs être fixé. »

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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:22

Ruprecht était parti depuis une dizaine de minutes quand deux hommes entrèrent dans la salle. Elle ne les connaissait pas, mais ils lui paraissaient bien portant pour des visiteurs du temple de Shallya. L’un était vêtu comme un riche marchand. Des habits d’excellente facture, des bagues étincelantes, et une bourse bien ventrue à la ceinture. L’autre était visiblement son garde du corps. Gilet de cuir, cape. Bonne épée à la ceinture, avec une poignée simple, sans fioriture. Une arme qui n’était pas là pour la décoration. Impossible de distinguer son visage. Le marchand s’avança vers la novice la plus proche et se présenta. Elle était trop loin pour entendre quoique ce soit, mais elle vit la jeune femme partir rapidement puis revenir quelques instants plus tard avec la mère Gothel. Une conversation s’engagea entre la vieille et le richard. Elle comprit ce qui se passait en voyant l’obséquiosité de la prêtresse : le marchand prévoyait certainement de faire un généreux don au temple. Gothel rappela la novice et lui dit quelques mots. Aussitôt, celle-ci commença à parcourir la grande salle de soin avec les deux hommes. Le marchand avait dû demander à pouvoir visiter le temple. Avant que les deux hommes arrivent, elle se rejeta au fond du lit, remonta les draps et fit semblant d’être dans les vapes comme la plupart des malades.

La novice leur faisait faire le tour du propriétaire en présentant toutes les œuvres de charité des shalléennes. Elle entrouvrit les yeux à leur passage. Le marchand passa en ne lui jetant qu’un bref regard, mais elle sentit que le garde la dévisageait. Simulant un sommeil agité, elle bougea et entrouvrit les yeux. Elle aperçut brièvement son visage. Elle eut le sentiment que l’homme palissait en croisant son regard. Et il lui rappelait vaguement quelqu’un. Fermant de nouveau les yeux, elle tenta de se rappeler pourquoi son visage lui était familier.

La visite dura à peu près une demi-heure, à la fin de laquelle le marchand laissa sa bourse entre les mains de Gothel. Elle regarda les deux hommes sortir de la salle. Elle était presque sûre de connaitre le garde. Et lui semblait la connaître aussi. C’était la pire des nouvelles. Si on retrouvait sa trace, elle devrait quitter le temple au plus vite, mais elle ne se sentait pas encore assez forte. Merde !


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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:33

Hans m’avait fait subir un véritable interrogatoire, mais il était resté sur sa faim. J’avais refusé de lui dire quoique ce soit tant qu’il ne s’expliquait pas, et il répondait qu’il ne me dirait rien tant qu’il ne serait pas fixé. Nous passâmes une bonne heure à jouer ainsi au chat et à la souris avant d’être interrompus par des coups à la porte.

« À la bonne heure. Entrez !

- Chef, ils sont revenus. Ils demandent à vous parler.

- Excellent. Faites-les-entrer. »

Deux hommes pénétrèrent dans le bureau. Le premier était vêtu comme un marchand prospère, mais il tenait son chapeau à la main en signe de respect. Le second était vêtu en combattant, mais il était blanc comme un linge et tout transpirant. Il avait visiblement du mal à réprimer les frissons qui parcouraient son corps. Il semblait avoir vu un fantôme.

« Alors ? Ne me faites pas perdre mon temps, parlez ! »

C’est le faux marchand qui répondit.

- Oskar est formel, messire. C’est bien elle.

- Et bien mon cher Ruprecht, il semblerait que votre petite protégée vous ait caché bien des choses… Par tous les dieux, Oskar, assieds-toi avant de t’évanouir, j’ai encore besoin de toi ! Lucian, va lui chercher un coup de gnôle pour le requinquer. »

Le combattant se laissa lourdement tomber sur une chaise tandis que son acolyte quittait rapidement la salle.

« Hans, ne me faites pas attendre pour rien ! Dites-moi ce que vous savez. Qui est Angélique bon sang ?

- À en croire sa réputation parmi la pègre, une abomination. Voyez-vous, le Grand Cercle avait plusieurs méthodes pour traiter ses ennemis. Souvent, c’était un assaut frontal, efficace mais… inélégant. Parfois, c’était le meurtre ciblé. Et de temps en temps, c’était la terreur. Dans les trois cas, ils avaient des spécialistes. Une rumeur courait parmi les gangs d’Altdorf. On prétendait que le Grand Cercle employait une enfant. Une spécialiste des poisons, insoupçonnable, qui pouvait frapper n’importe qui n’importe quand. On disait qu’elle était une experte en torture, capable d’imaginer des supplices qui feraient pâlir d’horreur le plus endurci des bourreaux. Et pire que tout, on jurait qu’elle prenait plaisir à exercer son art. On l’appelait la Fouine.

- C’est ridicule. À l’évidence, c’est de la propagande du Grand Cercle pour tenter d’effrayer ses ennemis.

- C’est ce que j’ai longtemps cru aussi. Puis est venu le coup de filet. Oskar, qui est assis derrière vous et à deux doigts de défaillir, est un ancien du Grand Cercle. Il a échappé à la capture et je l’ai recruté. Il a rencontré cette gamine et il l’a vue à l’œuvre. Une seule fois. Et regardé l’état dans lequel il est, un grand gaillard comme lui ! Raconte-nous Oskar.

- Ou… Oui chef.

Son collègue lui ramena un verre de liqueur, qu’il s’empressa d’avaler. Cela lui rendit des couleurs.

- Un jour, on m’a envoyé dans un des repaires du Grand Cercle. Un tripot dont le sous-sol cachait des geôles. Je devais y transférer deux balances qui avaient été capturées et devaient être exécutées. On les a assommés, ligotés, et enfermés dans des grandes malles, puis on les a emmenés et emprisonnés dans deux geôles séparées mais voisines. J’avais reçu l’ordre d’en attacher un avec les chaines fixées au mur, et de laisser l’autre libre. Je m’attendais à voir débarquer un bourreau, j’ai vu arriver une gamine. Une dizaine d’années peut-être, blonde, les yeux en amande. J’en croyais pas mes yeux. Elle a sorti une lame de rasoir et a commencé à dépecer l’homme qu’on avait attaché. À l’éplucher comme un oignon. Elle chantonnait messire ! Elle faisait ça en chantonnant comme une gamine qui joue à la poupée, tandis que l’homme la suppliait d’arrêter. Puis on lui a apporté un tonneau de vinaigre et des vessies de porc. Elle remplissait les vessies de vinaigre comme des bombes à eau, et les lançait sur la peau à vif de sa victime. Quand elle en a eu assez, elle a fait renverser le tonneau sur lui puis elle est partie alors qu’il était évanoui. Le lendemain, elle l’a recouvert de sel en chantant « il neige sur Talabheim » ! Chaque jour elle inventait une nouvelle horreur. Ça a duré une semaine, puis elle l’a égorgé et regardé se vider de son sang. Chaque jour, nous étions une dizaine à devoir y assister, qui venions de différents repaires. »

Je commençais à me sentir mal. La pauvre Angélique, capable d’une telle horreur ? c’était invraisemblable. Pourtant l’homme avait les larmes aux yeux et la terreur dans la voix. Il n’inventait pas.

« Pendant tout ce temps, messire, l’autre avait assisté aux supplices de son ami. Il recevait à boire, de l’eau sucrée, mais rien à manger. Il maigrissait à vue d’œil. Quand le pauvre homme qu’elle avait torturé est mort, elle l’a fait découper en morceaux et… et placer au saloir. Puis elle a ordonné au cuisinier de préparer chaque jour un morceau de sa victime et de la donner à manger à l’autre prisonnier. Sans lésiner sur les épices pour que la viande soit la plus odorante et appétissante possible. Tous les jours à midi, elle venait assister au repas. Pendant encore trois jours, il a refusé de manger. Puis il a craqué et survécu en mangeant son ami. Enfin, après trois jours de ce régime, elle l’a relâché. Puis elle nous a tous regardés, un à un, dans les yeux. Puis elle a parlé. C’était la première fois qu’elle parlait devant nous. Elle a dit « Enchantée. Je suis la Fouine. Rentrez dans vos bases. Racontez ce que vous avez vu et faites savoir ce que le Grand Cercle fait subir à ceux qui l’ont trahi. Maintenant dégagez de ma vue ».

Son récit achevé, l’homme reprit un verre. Puis il craqua et se mit à pleurer comme un gosse. Je ne savais pas quoi dire. Je bafouillais :

« C’est impossible. Ça n’était pas Angélique. Vous vous trompez forcément ! »

L’homme se leva brutalement et empoigna mon col. Il avait un regard halluciné de terreur « C’était elle messire ! J’en suis sûr ! Méfiez-vous d’elle, méfiez-vous… Ce n’est pas une gamine, ce n’est même pas une humaine. C’est un démon ! »

Sur un signe de Gruber, le faux marchand empoigna son ami et le fit fermement sortir du bureau. J’étais anéanti, incapable de bouger. Je refusais d’y croire. Angélique ne pouvait pas être cette Fouine. C’était impossible. Le contrebandier versa un nouveau verre de vin et me tendit le verre. Devant mon absence de réaction, il le posa devant moi.

« Écoutez Ruprecht. Je ne sais pas ce que vous pensez savoir de cette gamine, mais à l’évidence elle s’est jouée de vous. Vous n’êtes pas le premier, mais vous pouvez être le dernier. Il ne tient qu’à vous de l’arrêter. De l’empêcher de nuire. Définitivement. »

Si Angélique était bien la Fouine, il avait raison. Il fallait l’arrêter, l’amener devant la justice, et l’emprisonner. Mais je m’y refusais. Pendant sa convalescence, j’avais passé du temps avec elle. Elle pouvait être une enfant comme les autres. Je ne croirais pas un mot de tout cela tant que je n’en aurais pas de preuve, et je ne la condamnerais pas tant que je ne saurais pas ce qui l‘avait transformée en monstre. Alors je devais lui parler. Tirer ça au clair, et ensuite prendre une décision. Angélique n’était certainement pas cette Fouine, et même si elle l’était, alors je serais bien capable de la maîtriser et de l’amener à s’expliquer.

« Si j’ai pu la retrouver, moi qui n’ai rien de spécial contre elle, alors d’autres le feront. Retrouvez-là. Tuez-la, livrez-la à la garde, vendez-la au plus offrant, comme il vous plaira. Si vous la croyez innocente, faites-lui quitter la ville, je m’en moque. Je fais cela parce que je vous respecte, Ruprecht. Faites votre choix. Dans tous les cas, souvenez-vous que vous m’êtes redevable. Pardonnez-moi, mais mes affaires m’appellent. Mes hommes vont vous raccompagner. »

Je sentis vaguement qu’on me posait la main sur l’épaule. J’attrapai le verre de vin et l’engloutis d’un trait. Cela me donna du courage pour me lever.

J’avais au moins pris une résolution : je surveillerais attentivement Angélique, et dès qu’elle serait en état de sortir du temple, je l’interrogerais. Je ne pouvais pas le faire là-bas. Cette résolution me rendit ma force et je me mis en route pour le temple.

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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:36

La cloche sonna l’office et les novices quittèrent la salle de soin pour disparaître en direction du sanctuaire. Une seule resta dans la salle, face à l’autel, et se mit à prier. C’était Anna. Elle allait encore lui attirer des ennuis !

Il fallait agir vite. Se levant le plus silencieusement possible, elle attrapa la robe à côté de son lit et l’enfila par-dessus la tunique du temple. Pas le temps de se changer entièrement. Elle récupéra sa dague sous l’oreiller, puis le baluchon. Heureusement que le rideau était ouvert, elle pourrait se faufiler sans bruit. Elle attrapa ses chaussures et se mit en route.

Jusqu’ici tout marchait comme sur des roulettes. Il lui restait une dernière chose à faire. Passant à côté du bureau, elle attrapa une plume dans l’encrier et écrit quelques mots sur le premier papier qui lui passa sous la main. Puis elle fila aussitôt. Elle passa la porte au moment même où Anna chantait les dernières mesures de son hymne à Shallya. Tout avait fonctionné comme sur des roulettes. C’en était presque décevant !

Elle n’était pas tirée d’affaire pour autant. Elle traversa la place d’un pas vif pour gagner la plus proche ruelle. Une centaine de pas à peine, et elle arriva essoufflée. Voilà qui était de mauvais augure ! Ses jambes étaient faibles, elle savait qu’il était trop tôt. Impossible de se reposer pourtant : il lui fallait gagner son repaire au plus vite, avant que les shalléennes ne se rendent compte de sa disparition. Le tout en s’assurant qu’elle n’était pas suivie !

Elle enfila ses chaussures, défit le baluchon, passa ses armes à sa ceinture et se remit en route.


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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:39

À mon arrivée au temple, les prêtresses étaient en pleine ébullition. Anna m’aperçut et courut vers moi, un papier à la main.

« Messire Ruprecht ! Enfin vous voilà ! Angélique ! Elle a disparu et elle a laissé ceci pour vous ! »

Affolée, elle me tendit un morceau de papier sur lequel était écrit à la va-vite : « Ruprecht, rendez-vous où vous savez. A. »

Je pris Anna par les épaules. « Calmez-vous Anna. Je pense que je sais ce qu’il s’est passé, et je m’occupe de tout. » La pauvre avait les yeux rouges. Perdre sa petite patiente l’avait mise dans tous ses états… J’aurai pu lui parler de ce que je venais d’apprendre, mais je préférais garder tout cela pour moi tant que je n’avais pas tiré cette affaire au clair.

Je quittai rapidement le temple. J’espérais pouvoir retrouver facilement le repaire où Angélique m’avait emmené lorsque je l’avais rencontré, même si elle avait tout fait pour m’égarer. Je connaissais assez bien les rues de ma ville !

Mais que faire lorsque je l’aurais retrouvée ? Lui demander frontalement si elle était la Fouine ? Tenter de la piéger ? Faire comme si de rien n’était en attendant qu’elle se trahisse ou que je sois convaincu de son innocence ? Tout en marchant, je réfléchissais à des dizaines de scénarios possibles. En arrivant devant la porte de la cabane, je n’en avais toujours choisi aucun. Tant pis. J’allais devoir improviser !

Je frappai à la porte et la voix d’Angélique me répondit d’entrer. Poussant le vantail, j’entrai lentement. Angélique était assise au sol, dos au mur, son arbalète brandie vers moi. Elle était pâle, le visage grimaçant. À l’évidence, elle était à peine remise de sa blessure et le trajet depuis le temple l’avait épuisée. Un signe toutefois m’encouragea à penser que Gruber s’était peut-être trompé : après mon entrée, elle avait posé son arbalète. Sans la décharger, certes, mais elle l’avait posée. Je m’assis face à elle, assez loin pour ne pas l’effaroucher mais assez près pour pouvoir bondir sur elle avant qu’elle n’ait le temps de se saisir de l’arme… au cas où.

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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:48

Ruprecht était plus méfiant que d’habitude. En alerte, et il ne cherchait pas spécialement à le dissimuler. Avait-il appris quelque chose sur elle ? C’était encore une mauvaise nouvelle. Physiquement, elle était encore fatiguée, et même au meilleur de sa forme elle savait qu’elle n’avait pas la moindre chance au corps à corps contre lui. Elle ne pourrait pas non plus fuir. Si elle était démasquée, sa seule chance était son pistolet. Pourvu qu’il ignore son existence !

« Pourquoi t’es-tu enfuie du temple, Angélique ? Tu y étais bien traitée et Anna était totalement paniquée quand elle a vu que tu étais partie !

- Deux hommes sont venus au temple. Il se faisaient passer pour un marchand et son garde du corps, mais le garde était un ancien du Grand Cercle. Il faisait partie de ceux qui ont tué mes parents ! Et je crois qu’il m’avait reconnue. J’ai paniqué et je me suis enfuie dès que possible.

Les meilleurs mensonges contiennent toujours une part de vérité. Plus elle y repensait, plus elle se disait qu’elle avait déjà vu le garde à l’époque du Grand Cercle, même si elle ne se souvenait plus précisément des circonstances.

- J’ai vu un de mes contacts aujourd’hui. Un contrebandier nommé Hans Gruber. Tu connais ?

- Jamais entendu parler. Pourquoi ?

- Parce qu’il a une suspecte pour les meurtres sur lesquelles nous enquêtons. Il pense à une ancienne du Grand Cercle, dont personne n’a de nouvelles depuis le coup de filet.

D’accord. Là, ça puait. Il était au courant. Elle pouvait voir qu’il était à l’affût de ses réactions et qu’il allait lâcher le nom en espérant qu’elle se trahisse. Pourtant, s’il avait été sûr de son coup, elle serait probablement déjà au sol et ligotée. Il doutait encore et si elle parvenait à bien jouer son rôle, elle pourrait encore s’en tirer. Tout se jouait maintenant, sur ses talents de comédienne…

- Une meurtrière qu’on appelait la F… »

Un grand fracas emplit la pièce. Par réflexe, elle se jeta sur le côté et roula derrière un vieux coffre. Elle n’avait pas pu récupérer son arbalète qui était hors de portée. Dans le même temps, Ruprecht s’était levé en dégainant sa dague et s’était retourné.

Quatre hommes étaient entrés par la porte défoncée. Le premier portait une rondache et une épée courte. Il était encadré par deux hommes armés de longs poignards. Le quatrième se tenait derrière les autres. C’était le garde du temple, blanc comme un linge, une dague à la main. C’est celui au bouclier qui prit la parole.

« Merci de nous avoir mené à elle, Ruprecht. Tu étais bien facile à suivre, aujourd’hui ! Tu peux partir, le Boss n’a rien contre toi.

- Qu’est-ce que vous faites ici ? Je croyais que Gruber se désintéressait de cette histoire !

- Monsieur Gruber a menti. Il y a quelques temps, le Grand Cercle a voulu le faire chanter. Le taxer pour qu’il puisse continuer ses affaires. Il a refusé, et le Grand Cercle s’est vengé en interceptant un de nos convois. Le cocher a été retrouvé dans la forêt, cloué à un arbre. Il avait été torturé et décapité. Le lendemain, on a reçu une boîte, portée par un gamin des rues. Elle contenait la tête et un mot : « On ne dit pas non au Grand Cercle ». Et c’était signé la Fouine. C’est-à-dire elle. Tu confirmes Oskar ?

- Ou… Oui. C’est bien elle ! J’en suis sûr. »

Cette fois elle le reconnaissait. Les choses allaient se compliquer. Elle évalua la situation : En plongeant vers son arbalète, elle pouvait espérer tuer un des hommes. Un autre avec son pistolet. Il en resterait deux, et Ruprecht. Même si elle parvenait à se faufiler, elle ne pourrait même pas courir cent pas sans s’effondrer de fatigue… Elle ne pouvait compter ni sur la lutte, ni sur la fuite. Une seule possibilité pour survivre : tenter de se rallier à eux et de se faire embaucher. L’homme au bouclier repris la parole.

« Le chef veut qu’on la saigne comme une truie. Il n’aime pas qu’on touche à ses hommes. Et moi je vais te faire payer, salope. Le cocher, c’était mon frère. »

Ah. Peu de chance qu’il accepte sa candidature alors ! Tant pis. Elle vendrait chèrement sa peau, en espérant réussir à fuir. Les chances de réussite étaient infinitésimales, mais elle n’avait pas le choix. Une seule inconnue : qu’allait faire Ruprecht ? Se rallier à eux ou s’en aller ?

« Je ne vous laisserai pas l’assassiner. Même si c’est une criminelle, elle a droit à un procès. Elle a le droit de s’expliquer. Une fillette ne devient pas un monstre sans raison et je veux comprendre.

- Dernier avertissement Wilde. Le boss nous a dit de ne te tuer que si on ne pouvait pas faire autrement. Alors fous le camp et il ne t’arrivera rien.

- Vous partez. Je l’emmène. C’est MA prisonnière et vous ne la toucherez pas. »

Voilà qui était inattendu !

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Message par Lionel Lun 12 Oct - 22:54

Un contre quatre. La partie serait serrée, mais le manque de place jouait en ma faveur. Ils ne pourraient pas vraiment combattre à plus de deux de front. Le plus gros problème serait la rondache, qui allait singulièrement me compliquer la tâche : je devais me concentrer sur lui et il le savait. Et les autres le savaient aussi. C’était ma chance.

Sans surprise, c’est Rondache qui lança l’attaque. Il tenta de m’expédier un coup de bouclier en pleine face, mais tout son corps avait annoncé son mouvement. J’esquivai facilement, lançai un coup en direction de son flanc découvert. La feinte fonctionna : tandis qu’il se remettait en garde, je déviai mon coup à l’aveugle vers mon flanc gauche, là où devait se tenir son acolyte. Je sentis ma lame pénétrer dans la peau, et racler des os. Les côtes. Un cri qui s’acheva en gargouillis m’indiqua que j’avais transpercé les poumons. Plus que trois ! Ma lame vint à la parade juste à temps pour arrêter un coup de taille qui m’aurait égorgé net, mais je ne pus rien fait contre le coup de rondache qui l’accompagnait et qui me frappa en plein sternum, me coupant le souffle. Les larmes aux yeux, je tentai de riposter mais il bloqua facilement mon coup avec sa lame. Du bouclier, il tenta de me repousser contre le mur.

La suite était évidente : le coup viendrait du troisième homme, contre lequel je n’aurais pas le temps de me défendre. J’entendais déjà sa lame fendre l’air. Dans un instant, je la sentirais dans mon flanc et tout serait fini.

Du coin de l’œil, je vis l’homme tomber à la renverse, un carreau planté dans le torse. Angélique ! Bandant tous mes muscles, je parvins à repousser mon adversaire et à le menacer d’un coup au visage qui me laissa le temps de me dégager. Il se remit en garde, bien protégé par le bouclier.

« Oskar ! Attrape-moi cette merdeuse tout de suite ou je te fais la peau ! »

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Message par Lionel Lun 12 Oct - 23:05

La jeune fille vit Oskar reprendre ses esprits et bondir sur elle, sa dague à la main. Elle avait déjà rechargé son arbalète et s’apprêtait à le viser, mais il fut sur elle une fraction de seconde trop tôt ! Il parvint à écarter son bras et le carreau partit se planter dans une des cloisons en bois. Son poing vint la frapper en plein visage et elle vit comme un flash. Sous le choc, elle lâcha son arbalète qui tomba lourdement au sol. Un nouveau coup vint la frapper en plein ventre et elle se plia en deux de douleur. Il l’attrapa et frappa plusieurs fois son corps contre le mur. Elle sentit sa blessure se rouvrir, le sang imbiber de nouveau sa robe. Puis il l’agrippa par les cheveux pour la redresser, la plaqua contre le mur et posa sa dague sur son cou.

Elle le regarda dans les yeux. Elle se souvenait de lui. Un gringalet, qui avait failli s’évanouir en assistant aux tortures qu’elle avait infligé à la balance. Un trouillard, un impressionnable. Un faible. Là encore, alors qu’elle était à sa merci, le traumatisme était tel que la seule chose qu’elle lisait dans son regard était la peur. Il avait peur d’elle. Peur de la Fouine. Elle éclata de rire.

Le trouillard fut si surpris que son étreinte se relâcha légèrement. Elle avait encore une petite chance de s’en sortir. La Fouine pouvait la sauver.

« Je me souviens de toi. Alors comme ça tu as changé de camp ? Tu es pourtant bien placé pour savoir ce que le Grand Cercle fait subir à ceux qui l’ont trahi. »

Il écarquilla les yeux. Elle avait touché juste. Elle savait que son personnage inspirait à certains une peur presque superstitieuse. Elle s’était forgé une sorte de légende qui assurait sa survie au Grand Cercle. Qui pourrait assurer sa survie aujourd’hui.

« C’est vrai tu sais ? Ce qu’on dit sur moi. Tu peux m’égorger. Tu peux m’éventrer. Tu peux m’étrangler. Mais tu ne peux pas me tuer. »

Elle approcha ses lèvres de ses oreilles et murmura : « Je reviendrai toujours. Et tu souffriras mille fois ce que tu m’auras fait endurer. On peut si facilement tuer les petits humains comme toi. On les tue pour s’amuser. Je te tuerai et je détruirai jusqu’à ton âme. Tu ne peux rien contre moi, humain. »

Il tremblait de tout son corps et ne la tenait presque plus. En fait, la seule raison pour laquelle il la tenait encore était parce qu’il était presque paralysé d’effroi. Ce n’était plus de la peur qu’elle voyait dans ses yeux. C’était de la terreur. Elle savoura ce sentiment pendant un instant, puis elle saisit le manche de sa dague. En un éclair, elle dégaina puis planta la lame dans le cou d’Oskar avant de l’égorger. Il porta les mains à son cou pour tenter de retenir les flots de sang qui s’écoulaient, mais s’effondra à peine une seconde plus tard. Il était mort. Épuisée, elle tomba à quatre pattes. Il lui fallut plusieurs secondes pour surmonter la douleur et reprendre son souffle. En plus du coup au visage et de la plaie rouverte, il devait lui avoir fêlé une ou deux côtes. Toujours au sol, elle se traîna jusqu’à son arbalète puis regarda où en était Ruprecht. Il était toujours aux prises avec l’homme à la rondache, en mauvaise posture. Tous deux bouchaient le passage : elle n’avait pas la place de se faufiler pour s’échapper.

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